Jamais sans ma fille

L’artiste franco-britannique Emily Loizeau sort un troisième album érudit, Mothers & Tygers, poussant une fois de plus les cloisons de la chanson française. Entretien avec une jeune maman préoccupée par la notion de filiation.

Cat Power a opté pour le même look capillaire que vous. Qui a copié qui ?

Cat Power ne doit pas me connaître… Nous nous sommes retrouvées là-dessus (Rires).

La coupe garçonne vous permet-elle également de marquer un cap dans votre vie ?

Oui, je me suis coupé les cheveux à un moment important : depuis peu, je suis maman d’une merveilleuse petite fille. En tout cas, je ne changerai plus de coupe !

Vous n’en avez jamais ras-le-bol des jeux de mots avec Loizeau (Fais comme Loizeau, Loizeau rare…) dans les articles vous concernant ?

Je n’y échapperai jamais ! Pour m’amuser, à une époque, j’ai rédigé une liste de formules désagréables à utiliser si on détestait mon disque : Les plumes et le goudron, La chasse est ouverte, etc.

Il faut souligner qu’il y a pas mal de volatiles dans vos chansons, par exemple Vole le chagrin des oiseaux, sur votre dernier album…

Ça fait partie de mon champ lexical depuis longtemps. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. Est-ce dû à un extrême narcissisme ?

Vos paroles accueillent tout un bestiaire : tigres, chats, singes ou truites…

J’aime la métaphore animale, les allégories, les tiroirs secrets qu’on ouvre. J’apprécie l’utilisation de codes dans les contes, la poésie ou la peinture, notamment celle de William Blake. De lui, j’avais davantage de souvenirs d’enfance que de véritables connaissances littéraires, mais son langage codé m’a attiré.

Vous avez alors décidé de mettre en musique des extraits de son recueil Songs of Innocence and Experience pour votre dernier album ?

Je l’ai connu à travers les lectures que ma grand-mère m’en a fait et m’y suis replongée en tombant dessus dans le grenier de mes parents : Songs of Innocence résonnait étrangement avec ce que j’étais en train d’écrire. Les textes de Blake ont une grande musicalité, un groove. Une musique souffle dans chaque mot et j’avais très envie de les chanter.

Vidéo de Vole le chagrin des oiseaux :

Pourquoi le monde de l’enfance est-il autant présent chez vous ?

Il faudrait quinze ou vingt ans de thérapie pour le savoir… Ce rapport à l’enfance m’est vital, c’est un terreau. Cette période, où l’on a une grande capacité de rêver, de s’évader de manière irréelle, de croire en tout, est gravée.

Vos parents ont eu une large influence sur votre travail, vous ayant initiée à la littérature et la chanson française, à Nina Simone, Bob Dylan ou Joan Baez. Vous ne vous êtes jamais détournée de tout ça ?

Je crois beaucoup en la notion d’héritage et mon album parle de transmission. Les parents laissent des empreintes avec lesquelles on se débrouille ensuite. Ma famille est composée de gens incroyablement riches : spirituellement et artistiquement, ils m’ont nourrie. On n’est rien tout seul !

Depuis des années que tu nages parle aussi de filiation. C’est un morceau hypnotique, une sorte de mantra…

Mon dernier disque est marqué par les musiques que j’aime : il y a des traces de musique baroque ou médiévale, de chanson française, de Michael Galasso (auteur de la BO d’In the Mood for Love, NDLR), de musique contemporaine ou, plus proche de mon registre, de Sufjan Stevens, artiste influencé par Steve Reich. J’ai été renversée par le premier morceau de Reich que j’ai découvert, Different Trains, évoquant les trains en partance pour les camps de concentration… J’avais envie de faire un titre basé sur une boucle où d’autres choses se greffent. Je voulais tisser un canevas autour de la forme répétitive qui convenait à une chanson traitant du rapport mère / fille dans ce qu’il a de beau, d’absolu, mais aussi de la folie de ce lien étrange, du « je te veux, mais je te jette ».

Vos albums précédents – L’Autre Bout du Monde (édité par Fargo) et Pays sauvage (édité par Polydor, Prix Constantin en 2009) – décrivent, selon vous, votre « géographie intérieure ». Qu’en est-il de Mothers & Tygers ?

C’est également un voyage intime, une réflexion sur l’existence – naître, vieillir et mourir –, ce parcours bizarre qu’on est en train de traverser.

À Nancy, lors du festival Nancy Jazz Pulsations, mercredi 17 octobre

03 83 35 40 86 – www.nancyjazzpulsations.com

À Schiltigheim, à la Salle des fêtes, vendredi 26 octobre

03 88 83 84 85 – www.ville-schiltigheim.fr

À Esch-sur-Alzette (Luxembourg), à La Rockhal, vendredi 25 janvier 2013 (+352) 24 555 1 – www.rockhal.lu

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