Ivres de liberté

Photo d’Elisabeth Carecchio

La nouvelle pièce d’Alice Laloy fait du plateau une folie dada, rien que dada, 100% dada. Un spectacle renouant avec les sources de la création artistique.

«Pour que vous aimiez quelque chose, il faut que vous l’ayez vu et entendu depuis longtemps tas d’idiots. » Le slogan, signé Francis Picabia, reproduit sur des affiches, est collé sur tout un mur par une comédienne. Le ton est donné. Là où dada passe, la bienséance trépasse. La metteuse en scène Alice Laloy applique à la lettre les principe de Tristan Tzara, un des fondateurs du mouvement, théorisant qu’il incombait de tout détruire et faire tomber l’ordre établi pour inventer de nouvelles voies. Dans le chaos qu’était la Première Guerre mondiale, il fallait rompre avec l’absurdité de ce qui y avait conduit. Mordre l’état du monde, transgresser les codes de l’art et susciter l’étonnement permanent. Prêt à tout, un trio d’acteurs entreprend un saccage en règle du plateau de théâtre. Armés de bombes de peinture, de marteaux, de mannequins et d’une soufflerie, ils mettent tout à terre. Ici on catapulte des bombes de peinture avec une machinerie picabiesque, là on tague un vrai-faux accrochage de musée quand on ne détruit pas systématiquement ce qui peut l’être (cloisons, lumières, mobilier). Tout est permis tant il est interdit d’être sage. Tels des fous, on s’affranchit d’un rien et l’on détourne les conventions et les règles de représentation… Les slogans se balancent au mégaphone car « dada est notre intensité » et les poèmes phonétiques d’Hugo Ball deviennent un haka pour guerriers de l’art en quête de chaos et de retour aux sources de l’acte créatif. À mesure qu’avancent leurs péripéties, les murs tombent et découvrent d’autres espaces, les uns derrière les autres, comme autant de couches de réel. Jouissive est l’insolence pure de Ça dada, créée sur un terrain de jeu kaléidoscopique en forme de fête joyeuse et vivifiante. Entre folies poétiques et scandales orchestrés avec un plaisir non feint, le monde s’écroule, se défigure et se reconfigure dans un étonnement permanent. Mais ne vous inquiétez pas : « Vous aussi, bel homme jolie femme, vous êtes dada seulement vous ne le savez pas ! Demain dada aura un visage différent d’aujourd’hui et pour cette raison sera dada. Dada c’est la vie. »


Au Théâtre de Hautepierre (Strasbourg), du 25 au 30 avril (coréalisation TJP & le Maillon)
tjp-strasbourg.com
maillon.eu
sappellereviens.com

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