Inévitables révoltes au Festival Démostratif

Directeur artistique du festival Démostratif, célébrant les arts scéniques émergents, Sacha Vilmar poursuit un chemin exigent, entre écriture contemporaine, culture queer et « inévitables révoltes », thème de cette 5e édition.

À quelques semaines de ses 26 ans, c’est un autre événement qui accapare son énergie et écourte ses nuits. Le petit festival de théâtre universitaire des débuts a vu son budget multiplié par 10 pour atteindre 160 000€ en 2022. Trente-sept propositions entièrement gratuites à orchestrer, quelques 120 artistes à loger et tous les tracas technico-pratiques qui vont avec… Il faut dire que Sacha Vilmar et sa garde rapprochée entendent bien faire les choses : « Nous sommes vigilants à ne pas reproduire la mise en concurrence des jeunes compagnies qu’opèrent la plupart des programmateurs. Nous nous inspirons du Manifeste des immergé·e·s édité par la Fédération des Pirates du Spectacle Vivant, désireux de créer les conditions d’un vrai mélange entre étudiants de la fac, de conservatoire et équipes de jeunes diplômés, sans tomber dans la tentation facile de la fame des élèves des grandes écoles de théâtre, qui sont déjà sur la voie royale. À Démostratif, nous partageons nos carnets d’adresses pour inviter des professionnels en pariant sur un effet boule de neige. » 

Sacha Vilmar © Teona Goreci

Citant aussi bien Louis Jouvet que José Bové – « L’utopie est la matrice de l’histoire et la sœur jumelle de la révolte » –, le jeune directeur artistique, également comédien et metteur en scène, rêve grand, programme régulièrement ses pièces mais ne ménage pas ses efforts, auditionnant un représentant de chacun des 115 projets candidats pour composer la programmation de cette édition. « Nous recevions une quarantaine de réponses avant la crise du Covid. Il se passe vraiment quelque chose, ce qui ne nous empêche pas de rester à cheval sur nos principes. Nous imposons la parité dans les équipes, recourant consciemment aux quotas. La diversité est très importante, même s’il est plus difficile de l’atteindre concernant les personnes racisées : trop peu candidatent à nos appels à projet. Nous avons encore du chemin à faire en ce sens », confie-t-il. Dès la première édition, un dramaturge sert de grand témoin. Cette année, c’est l’autrice Anette Gillard qui a opéré la sélection avec lui, tout en signant Né.e.s avant la honte, proposition en forme de portrait acerbe d’un homme d’affaire breton multimillionnaire ayant bâti son empire sur la Françafrique. Leurs préoccupations communes reflètent les combats de l’époque et la convergence des luttes. Le collectif MeToo Théâtrey parlera sexisme et harcèlement et animera des tables rondes en non-mixité. Quant à ceux qui taxent le festival d’être « Queer Land », Sacha les renvoie au cabaret Drag-Queen Les 12 Travellos d’Hercule, qui sera donné en l’Église Saint-Guillaume de Strasbourg : « Il n’y a pas un seul homo dans l’équipe, tous sont cisgenre et hétéros, ce qui a entraîné un débat entre nous avant de les programmer. Mais l’histoire du travestissement comme du théâtre est celle de la déformation et de la sublimation de la réalité. Ce ne sont pas que des folles mettant une robe en chantant Dalida ! Un théâtre queer s’inscrit contre la prétendue évidence des choses. »


Sur le campus universitaire, à la BNU, en l’Église Saint-Guillaume et à La Pokop (Strasbourg) jusqu’au 4 juin.
demostratif.fr

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