Ici débute la révolution

Un couple de circassiens australiens, Simon Yates et Jo-Ann Lancaster, esquisse le portrait de deux révolutionnaires pacifistes. Propaganda ou le mélange subtil de prouesses physiques et d’un manifeste humaniste responsable.

La Compagnie Acrobat souffle un vent de renouveau dans l’univers du cirque. Installés dans la petite ville d’Albury au sud de l’Australie, Jo-Ann Lancaster et son mari Simon Yates créent des spectacles en famille (leurs fils Grover, 9 ans, et Fidel, 5 ans, les accompagnent sur scène dans Propaganda) qui leur ressemblent. Depuis l’arrière-cour de leur maison, ils développent un langage physique et chorégraphique audacieux, inscrit dans une éthique de vie en totale rupture avec la société de consommation. Propaganda apparaît comme un manifeste percutant et drôle. L’hymne contestataire Éteignez vos climatisations donne le “la” du spectacle. Trois semaines à Cuba pour « appréhender la réalité et les mythes d’un état communiste, les icônes romantiques, les monuments dédiés aux héros de la révolution » et la survivance des utopies auront suffi à faire émerger en eux les bases de ce spectacle en forme de campagne de propagande pour la générosité et l’égalité.

Propaganda © Baumecker

Idéalistes idéalisés
Nous sommes ici à l’exact opposé de la tradition d’un cirque clinquant sous les projecteurs. D’ailleurs, Simon et Jo-Ann ne travaillent qu’avec des objets de récupération et fabriquent eux-mêmes leurs costumes (quand ils ne choisissent pas d’apparaître nus !). Dénués de toute candeur, ils « utilisent – sans l’exploiter ! – l’immédiateté du spectacle vivant » pour livrer sans détour leurs messages. Funambulisme, corde, fil, mât ou trapèze, tout est bon pour rééduquer les masses-spectateurs. Dans une économie de mots, ils dénoncent en saynètes successives l’égoïsme, l’égocentrisme et, surtout, notre conditionnement orchestré par une société capitaliste dictant les rapports humains. On pense au film de John Carpenter, Invasion Los Angeles, et ses messages subliminaux sur pancartes publicitaires. Ici, c’est un de leur fils, symbole du renouveau, qui présentera leur manifeste : « Sois gentil », « Jardine tout nu », « Fais du vélo », « Mange tes légumes », « N’utilise que ce dont tu as besoin »…


All you need is love
Le comique et l’absurde des situations qui se succèdent feraient presque oublier la virtuosité des corps. Presque seulement. Leur réflexion sur l’échec dans un duo d’acrobaties main à main, où ils multiplient les figures impossibles les faisant s’écrouler, symbolise cette auto-dérision permanente qui n’a d’égale que leurs impressionnantes prouesses physiques. Chez eux, la gymnastique matinale prend la forme de poses imitant les statues à la gloire d’images révolutionnaires. Et lorsqu’ils dénoncent « la voiture comme moyen de transport individualiste et polluant », ils usent de prouesses sur vélo pour rallier les citoyens-public aux beautés de leur cause. Le couple d’acrobates reste totalement sourd aux slogans (« Trouve-toi un travail ! », « Montre tes nichons ! », « Achète une bagnole »…), s’échappant du mégaphone installé sur une voiture téléguidée les poursuivant, vous l’aurez compris, en vain.

À Strasbourg, au Maillon-Wacken (à partir de 12 ans), du 5 au 9 mai
03 88 27 61 81 – www.le-maillon.com

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