All Apologies : La Phenomena signe I Wish I Was

Photo de Jean-Louis Fernandez

Avec son titre très nirvanesque I Wish I Was, Maëlle Dequiedt et son collectif d’artistes transdisciplinaires La Phenomena signent une traversée noctambule dans la vie d’un groupe, entre rêves consumants et désirs brûlants.

Ils se sont pour la plupart rencontrés sur les bancs de l’École supérieure d’Art dramatique du Théâtre national de Strasbourg et cheminent ensemble, depuis 2016, au gré des projets et des aventures. Signe des temps, La Phenomena n’est pas conçue comme une compagnie traditionnelle. Plutôt un collectif agrégeant ses membres par affinités sensibles. Après un Trust choral et très plastique d’après Falk Richter, un flamboyant hommage au feu créatif (Pupilla de Frédéric Vossier) et un opéra de Mozart à Lille, Maëlle Dequiedt revient à ses premières amours musicales. Violoncelliste de formation, la jeune metteuse en scène poursuit un travail de recherche né d’actions territoriales et de laboratoires d’écoute, mené notamment avec des habitants lors d’une résidence artistique au sein du village de Fours, dans la Nièvre : Jukebox s’intéressait aux icônes pop et à la place de la musique dans le quotidien des gens. Cette collecte de souvenirs mena l’équipe à une réflexion sur la fabrique des rêves et la construction des identités débouchant aujourd’hui sur I Wish I Was. Un éclat morcelé de vie d’un groupe de musiciens amateurs traversant le Nord pour aller donner un concert à Ostende. L’aire d’autoroute sur laquelle ils semblent se chercher est propice à toutes les interrogations.

 

Dans un flot de flashbacks en répétition où chacun égrène notes et mélodies, nous dérivons dans ce qui soude cette communauté éphémère. Amour de la musique ? Rêve de gloire ? Invention de sa propre vie ? Utopie en marche ou en marge ? Les quelques heures qui défilent voient « s’échouer les rêves et brûler les désirs. » À base d’écriture de plateau et d’improvisations, Maëlle Dequiedt propulse sur scène « les paroles lointaines de ceux qui n’ont pas les bons instruments mais qui ont décidé de jouer quand même, en attendant qu’il se passe quelque chose. » Un mélange de textes incandescents de Björk et de journal intime de Kurt Cobain, de gestes d’Etta James à Montreux jouxtent une réplique de Pierrot le Fou, une réflexion sur l’art-jeu de Fluxus et quelques icônes pop-rock allant d’Elvis à Dylan, de Beyoncé au torturé Syd Barrett. La scénographie distille des signes, ouvre des possibles sans chercher à raconter quoi que ce soit. Le public y verra un studio d’enregistrement autant que les parois mobiles d’une cafétéria déprimante, avec mauvais café et sandwichs sous plastique. Un de ces endroits interlopes dans lesquels s’expriment ces rêves qu’on nous fabrique, qui ne sont pas les nôtres et qui, pourtant, nous habitent et nous agitent. Parfois puissamment. Y éclate notre désir – à moins que ce ne soit qu’un incontrôlable besoin ? – d’identification et d’ailleurs plus enchantant.


À La Comédie de Colmar les jeudi 4 et vendredi 6 mai
comedie-colmar.com

> Rencontre avec les artistes à l’issue de la représentation du jeudi 4 mai

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