Heureux qui comme Érasme

Photo de répétition d’Alex Grisward

Avec Le Voyage d’Érasme, le comédien strasbourgeois Jean-Marc Eder ressuscite la pensée du prince des humanistes tout en s’interrogeant sur ses résonances avec notre monde contemporain.

Tout a commencé par une visite à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat qui recèle d’extraordinaires trésors. En découvrant ce lieu hors du temps, le comédien et metteur en scène Jean-Marc Eder est saisi par « la richesse de la culture d’une époque dans la région rhénane, celle de la naissance de l’édition ». Ses documents les plus précieux sont les écrins de l’humaniste du XVIe siècle, celui du sélestadien Beatus Rhenanus et de ses amis. Parmi eux, le plus grand de tous : Érasme de Rotterdam. « Après cette visite, j’ai lu sa biographie par Stefan Zweig. Elle m’a beaucoup intrigué », raconte Jean-Marc Eder. On y découvre ainsi que ce philosophe et théologien né aux Pays-Bas – dont seul l’Éloge de la folie a résisté à l’oubli – fut, entre 1500 et 1520, l’intellectuel de référence en Europe, conseiller de l’empereur Charles Quint et du Pape. « Il a eu énormément d’influence sur la pensée européenne et sur les gouvernants. Il a beaucoup écrit pour mettre en place la paix, rêvant que l’humanisme pouvait changer le monde. » S’il est si peu présent dans la mémoire collective, c’est peut-être qu’il n’appartient à aucune histoire nationale… Zweig écrivait du reste qu’il était le « premier Européen conscient ».

« Érasme refusait la notion de pays, il vivait partout, en Hollande, en France, en Italie, en Angleterre. Il disait que le monde entier était notre patrie », précise le comédien. Fasciné par la pensée « impertinente » de celui qu’on qualifiait de prince des humanistes, Jean-Marc Eder est surtout interpellé par « la place qu’il accorde à la mesure, cette idée de toujours garder un certain retrait face à toute forme de conflit, à l’opposé de ce qu’on fait aujourd’hui. Mais il ne s’agit pas dans ce spectacle de comparer les deux époques, plutôt de regarder le chemin parcouru depuis cette aube du XVIe siècle, depuis ce moment où un homme a donné une direction pour l’humanité. » Inspiré d’une gravure de Dürer, le décor ressemble au bureau d’un humaniste contemporain, où l’ordinateur remplace le lutrin et l’écran vidéo orne le mur. Le comédien incarne tour à tour Érasme et un conférencier qui s’adresse directement au public, puisant dans les adages du philosophe. Le pertinent montage de textes permet d’aborder, avec limpidité et humour, une pensée exigeante qui dénonce avec force le fanatisme, posant les prémices d’une réflexion sur la pédagogie. « Homines non nascuntur sed finguntur », écrivait Érasme. On ne naît pas homme, on le devient.

À Colmar, à la Salle Europe, jeudi 20 et vendredi 21 mars
03 89 30 53 07 – www.colmar.fr

À Saint-Louis, au Caveau du Café Littéraire, jeudi 10 avril
03 89 69 52 23 – www.saint-louis.fr

En mai et en juin, au Festival des Caves, à Strasbourg et Besançon
www.festivaldecaves.fr

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