Flou artistique

Friedrich Kiesler, Correalistic Instrument, 1942 Photo Wittmann Möbelwerkstätten, Etsdorf

Séduire l’œil et intriguer l’esprit. Tel est le pari de Quiz, exposition hors des cases qui investit la Galerie Poirel de Nancy. Créés par des artistes ou des designers, une centaine d’objets hybrides et récalcitrants s’amusent à cacher leur vraie nature.

Art ou design ? Où commence l’un ? Où s’arrête l’autre ? Comment classer les ovnis imaginés par certains créateurs ? Le designer autrichien Robert Stadler est obnubilé par ces questions depuis longtemps. Pour la carte blanche que lui offre la Galerie Poirel, il a choisi d’inviter des artistes et des designers dont la recherche consiste à dissiper les clivages. Y sont présentés, selon son expression, « des objets qui ne disent pas clairement ce qu’ils sont, qui résistent à l’appréciation de nos filtres de lecture habituels. Certaines œuvres d’art utilisent les codes stylistiques du design, tandis que des objets de design peuvent cacher leur fonction alors qu’ils en ont bien une. » Conçue pour être visitée de manière intuitive et ludique, l’exposition vise d’abord à intriguer. Pas de cartels sur les œuvres, juste un numéro : aux visiteurs de jouer à ce gigantesque Quiz, en devinant la nature cachée de ce qu’ils ont devant les yeux. L’imagination n’a plus qu’à profiter de cette liberté stimulante offerte par des pièces méconnaissables.

Que sont donc ces BLPs (prononcer blips), étranges formes noires que l’artiste Richard Artschwager collait sur les bâtiments ? « Le BLP n’a pas de fonction pratique mais il est difficile pour autant de le classer comme une sculpture. C’est plutôt une chose, un parasite », estime Robert Stadler. Lui-même expose une œuvre détournée d’un fauteuil Chesterfield, baptisée Pools and pouf ! « J’ai utilisé le capiton, mais comme un reste, une sorte de flaque, en le privant de sa fonction primaire. » La pièce du plasticien Ricky Swallow donne la parfaite illusion d’une lampe, sauf qu’il s’agit en réalité d’une… sculpture en bronze, sans aucune fonctionnalité. De même pour le pouf surdimensionné de l’Autrichien Heimo Zobernig, en polystyrène. Mais on peut trouver dans l’exposition sa correspondance pratique, avec le fameux pouf-poire Sacco né dans les années 1950. Parmi les pièces historiques, celle de Friedrich Kiesler intrigue particulièrement : qui devinera que ces étranges formes sculptées sont en réalité un mobilier multifonctionnel, à la fois siège, table ou stèle ? De même, derrière ses airs d’œuvre d’art, ce petit monticule en plâtre percé de trous créé par le plasticien Mathieu Mercier est en parfait état de marche puisqu’il s’agit, comme l’indique son nom, d’une Multiprise. Pour Quiz, Robert Stadler a imaginé une scénographie étonnante, étalant de grandes surfaces bleues dans l’espace de la Galerie Poirel, afin d’en percevoir la totalité, sans interruption. « Le bleu aide à n’établir aucune hiérarchie entre les objets, il donne l’impression de les faire flotter. C’est aussi une couleur dans laquelle le visiteur a envie de plonger. » Le parcours s’achève avec une énigmatique vidéo de David Musgrave : une créature imaginaire, sorte de golem, tombe dans un trou. Vers quel autre monde ?

À Nancy, à la Galerie Poirel, jusqu’au 12 octobre

03 83 32 31 25 – www.poirel.nancy.fr

 

vous pourriez aussi aimer