Fenêtres sur cour

Photo de Sarah Dinckel / Studio Vingt Septembre pour Poly

Le logement de la designeuse Sonia Verguet* est posé, tel un ovni cubique, dans une cour intérieure de Koenigshoffen, un faubourg de Strasbourg. Face à cette ancienne buanderie customisée, le voisinage n’en revient toujours pas.

Pour se rendre chez la créatrice, il faut traverser un couloir menant au cœur d’un îlot d’habitations, « au milieu d’une enceinte urbaine », précise Guillaume Christmann de CNB architectes, agence ayant transformé une vulgaire buanderie à l’abandon en logement quatre étoiles. Celle-ci a été surélevée par l’ajout d’une “boîte” en bois et agrandie grâce à une extension en lieu et place d’un vieux garage attenant. Une habitation simple comme la juxtaposition de trois cubes distincts par leur traitement (en briques, bois et chaux) et leur fonction : chambres à l’étage, vaste espace de vie dans « un esprit loft » en rez-de-jardin. Sentiment étrange que celui de se trouver dans ce joli coin de nature, écrin bucolique protégé des tumultes de la cité grâce à d’imposants bâtiments faisant office de fortifications. Sonia Verguet nous reçoit en sa demeure de 90 m2, un plateau de pâtisseries orientales à la main. Nous aurions plutôt parié pour une de ses maisons à colombages en Mikado ou ses maisonnettes à croquer, conçues dans un moule en silicone imaginé par la designeuse culinaire… Nous retrouvons cependant les formes archétypales de la maison – qu’elle aime à décliner en créations pâtissières ou en motifs pour torchons de cuisine – dans les volumes de sa demeure. Le « concept contextualisé » de cette maison construite au beau milieu d’une cour intérieure, fut un véritable défi pour CNB et les différents entrepreneurs ayant fait face à une double contrainte : budgétaire (une petite enveloppe globale à respecter) et technique (un chantier sur une parcelle réduite, sans accès possible pour véhicules ou machines). Pari gagné : on se sent tout de suite bien chez Sonia et son compagnon archéologue, rocker (une guitare électrique et une batterie trahissent sa passion) et bricoleur qui a participé à l’ensemble des travaux. Pas de siège signé Eames ou autres pièces iconiques chez cette ex-prof de design (hormis un robinet Fantini), mais du mobilier homemade et pas mal de récup’. Pas de couleurs acidulées comme ses mojitos en gelée, mais du blanc. Pas de matériaux high tech, mais une esthétique proche de l’Arte povera. Ni cloisons, ni recoins cachés, mais un plan simple, lisible du premier coup d’œil. Sonia s’en amuse : « Je suis un cordonnier mal chaussé, ayant volontairement choisi de ne pas “faire du design” chez moi. La maison a été pensée de manière empirique. » De l’emplacement des éléments de cuisine, ouverte sur la pièce à vivre, aux puits lumineux percés au plafond pour compenser l’impossibilité de creuser des fenêtres sur un des murs, l’aménagement s’est fait naturellement. « Dans mon travail, j’essaye d’aller à l’essentiel et ça été le cas avec notre maison où rien n’a été planifié. Tant mieux, car je ne voudrais pas vivre dans une page de magazine ! »

 

 

Photo de Sarah Dinckel / Studio Vingt Septembre pour Poly

1 / « J’ai grandi à Manille, aux Philippines, où nous vivions dehors 364 jours sur 365 ! J’avais envie de retrouver la joie d’habiter en rez-de-jardin, dans un logement largement ouvert sur l’extérieur », confie Sonia, assise sur une chaise de son salon littéralement baigné d’une lumière qui sculpte l’espace.

Photo de Sarah Dinckel / Studio Vingt Septembre pour Poly

2 / Le matériau roi est le bois, à nu ou recouvert d’un enduit. Dans les pièces, au sol ou au plafond, aux murs ou même sur la paroi des meubles, Sonia a fait installer des panneaux de copeaux de bois agglomérés qui donnent un aspect brut au lieu. Le chantier a nécessité l’intervention de deux équipes de charpentiers : Cheher Wood (Phalsbourg) et Natur’Elément Bois (Saint-Louis).

Photo de Sarah Dinckel / Studio Vingt Septembre pour Poly

3 / Le couple Sonia / Yohann a largement mis la main à la pâte, en aidant les ouvriers sur le chantier ou en dégotant sur Leboncoin.fr un accueillant carrelage “mamy” installé dans le hall d’entrée ou une belle verrière old school créant un mur transparent entre la chambre et l’escalier menant à l’étage.

 

Photo de Sarah Dinckel / Studio Vingt Septembre pour Poly

4 / La designeuse culinaire (mais pas que, voir son torchon “colombages”) profite de sa cuisine pour mettre au point des recettes arty et ludiques, notamment pour le Centre-Pompidou de Paris qui lui a commandé, pour une série d’ateliers destinés aux enfants (durant quatre mois à partir de septembre), des projets de “menus du futur” à réaliser avec les petits. Son intérieur ayant la semblance d’une agréable véranda est inspirant pour la créatrice qui préfère tout de même rejoindre son atelier de la Rotonde (à Cronenbourg) lorsqu’elle planche sur des dossiers comme celui du Parc des Vosges du Nord pour lequel elle a sélectionné (en compagnie d’Estelle Fort) cinq designers (V8, Claude Saos, Ferréol Babin, Studio Monsieur et elle-même), pour revisiter les collections de dix musées (du Pétrole, du Verre, du Fer, de l’Image populaire, de la Bataille du 6 août 1870…) et créer des goodies qui seront en vente (30 euros max), sur place, à partir de décembre.

Photo de Sarah Dinckel / Studio Vingt Septembre pour Poly

5 / « Quand tu es locataire, tu t’intéresses aux objets non fixes, comme le mobilier, mais lorsque tu construis ta maison, tu dois choisir des détails que tu n’avais jamais vraiment regardés avant… comme un robinet. Il en existe 1000 sortes fabuleuses. Mais où étaient-ils donc tous ceux-là ? Pas chez les marchands de bien qui mettent ce qu’il y a de moins cher et de plus moche ! Un beau robinet, ça met de bonne humeur le matin, c’est important : voilà pourquoi j’ai opté pour un Fantini, marque de luxe de robinetterie italienne. »

 

centrepompidou.fr

parc-vosges-nord.fr

 

soniaverguet.com

 

* Voir Poly n°147 ou sur www.poly.fr

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