Femme au bord de la crise de nerf

©Pierre-Etienne Vilbert

Avec Crises de mer la compagnie strasbourgeoise Plume d’Eléphant nous place face au naufrage d’une mère engloutie par la précarité et qui s’accroche à une bouée : la culture.

Nous pourrions être à Florange, de nos jours, mais la pièce se situe dans la seconde moitié des années 1980, à la Cité Blanche de Dives-sur-Mer, dans le Calvados. La décrépitude de la métallurgie et la fin de la société Tréfimétaux ont sonné le glas des illusions passées. Le mari de Suzie est mort : après s’être tué à la tache dans la sidérurgie, c’est l’alcool qui l’a emporté. Avec Micka, son fils, elle vivote comme elle peut, tentant de joindre les deux bouts en faisant le ménage chez des friqués du coin. Pour Laurent Benichou, metteur en scène, « la pièce raconte la désindustrialisation de notre société, la crise économique qu’on traverse et aussi cette perte de repères que nous subissons, coincés entre les idéaux collectifs d’hier qui se sont effondrés avec le Mur de Berlin et le capitalisme faisant régner l’argent et la réussite individuelle. » Ainsi, Micka est balloté entre tout ça. Refusant de dédier sa vie au labeur, il se brûle les ailes au casino d’en face, à Cabourg, aveuglé par l’appât du gain facile et les machines à sous qui conduiront sa mère à hypothéquer la maison familiale. Il imagine le jackpot ? Il fera banqueroute. Alors que Micka tente de fuir la misère de son quotidien en s’engloutissant dans le jeu (il dilapide la pension de son père) et le mensonge (il s’invente le métier de croupier), Suzie cherche son salut dans le théâtre de marionnettes ou les livres de Duras empruntés à la médiathèque.

Laurent Benichou reste fidèle au texte de Christophe Tostain écrit suite à une résidence à Dives-sur-Mer, à l’époque de la fermeture de l’usine. Il respecte l’écriture nerveuse de l’auteur, faisant alterner dialogues bruts, monologues et didascalies. Le metteur en scène a cependant créé un troisième personnage, personnifié par une danseuse, « une sorte de Zéphyr » symbolisant la poésie qui rythme le spectacle et apporte du rêve, en contrepoint à toute la misère dépeinte. Ce troisième protagoniste va porter l’héroïne, lui donner des élans et prouver que tout n’est pas si noir. Sur le plateau nu, habillé par des jeux de transparences et de lumières (matérialisant la présence de la mer… et la possibilité de s’y noyer), il y a une porte de sortie, « une lueur d’espoir, une brèche qui s’ouvre », avec ce message : « La culture peut nous sauver. » Et Laurent Benichou d’ajouter : « Contrairement à ce qu’on peut croire, elle est là pour chacun, elle est universelle et nous rassemble. Bien sûr, tout le monde ne va pas lire Hannah Arendt, par exemple, mais personnellement, je me retrouve dans sa philosophie et j’ai l’impression de pouvoir construire quelque chose à partir de ça. Dans les périodes difficiles de nos vies, la culture nous permet de ne pas sombrer. »

À Strasbourg, au Taps Gare-Laiterie, du 20 au 24 mai

03 88 34 10 36

www.taps.strasbourg.eu

À Vendenheim, à L’Espace Culturel, en 2015

03 88 59 45 50 – www.vendenheim.fr

www.plumedelephant.fr

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