Fantômes magiques

Portrait de Philippe Minyana par Giovanni Cittadini

Dans 21 rue des Sources, Philippe Minyana se livre à un voyage dans le temps et à une réflexion sur l’évolution des sociétés, en utilisant « la vie d’une maison comme métaphore d’une civilisation en mouvement ».

Un clavier, quatre chaises, un pianiste et deux acteurs. L’Ami et Madame Avril, connaissances de leur vivant, sont des fantômes qui hantent les salles vides de la maison familiale de Montbéliard. Lui, qui joue le rôle de chœur, la pousse à retracer sa vie et celles de leur entourage. D’une pièce à l’autre, ils évoquent l’Histoire et les histoires, plus personnelles, issues de leurs souvenirs. Ces thèmes sont repris « comme des variations musicales, semblables et cependant un peu différentes », indique Philippe Minyana, auteur et metteur en scène de la pièce. La demeure devient le reflet d’un fragment des années 1960 : les transformations s’effectuent aussi bien à l’extérieur « La belle campagne qui devient banlieue industrielle » (dixit Madame Avril) qu’à l’intérieur, où la distribution des pièces se modifie. Entre un récit sur l’épicerie attenante à la maison et un autre sur « la mutation du paysage qui devient urbain », l’héroïne se confie également sur ses regrets et ses échecs, la survie de son mariage au fil du temps, sa place de mère au milieu de ses enfants mais aussi de fille dans sa propre fratrie, ses multiples tentatives de suicide. Cette façon de revivre leurs parcours respectifs en se baladant de pièce en pièce emprunte au film L’Arche Russe de Sokourov (2002) où les personnages visitent un musée, revivant des événements passés dans chacune des salles. Pour Philippe Minyana – qui affirme que « le théâtre est un lieu d’expérience et un laboratoire d’écriture » – cette œuvre représente un défi et une histoire personnels : « Madame Avril ressemble beaucoup à ma mère », explique-t-il. L’adresse du 21 rue des Sources est celle de son enfance : il y a vécu la fermeture de l’épicerie familiale et l’arrivée de l’usine Peugeot avec ses logements HLM. Cependant, le metteur en scène ne construit pas sa fiction uniquement avec des mots. Afin d’atteindre son idéal de « baroque réjouissant », il insère de la magie dans sa représentation grâce à Benoît Dattez, prestidigitateur spécialisé dans le théâtre, qui convie sur scène l’illusion d’apparitions. Mouchoirs volants et chaises qui circulent donnent une impression de maison hantée, tandis que le pianiste insère dès le commencement sa mélodie discrète à ce récit onirique.


Au Théâtre de la Manufacture (Nancy), du 2 au 11 octobre
theatre-manufacture.fr

Au Théâtre du Saulcy (Metz), samedi 12 octobre
ebmk.fr

Au Théâtre du Rond-Point (Paris), du 6 novembre au 1er décembre
theatredurondpoint.fr

À La Comète (Châlons-en- Champagne), jeudi 30 et vendredi 31 janvier 2020
la-comete.fr

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