En attendant lorca

2 tentes, 2013-2019

Ombres et lumières, couleurs et transparences : avec A las cinco de la tarde, la Fondation Fernet-Branca explore l’œuvre d’Ana González Sola.

Cette exposition, qui offre une vue d’ensemble sur son travail, l’artiste a choisi de l’intituler d’après un vers célèbre de Federico García Lorca, A las cinco de la tarde. Cinq heures de l’après-midi. L’heure précise à laquelle débutent en Espagne les corridas. Quand tout est encore dans l’attente du drame à venir, que le temps suspend son vol dans l’arène, et que le regard du spectateur fige un instant de lumière. Parisienne d’origine espagnole, Ana González Sola peint le ruissellement solitaire de nos vies intimes, noyées dans le grouillement ininterrompu et la lumière saturée des mégalopoles accélérées. D’une œuvre à l’autre de ses séries sur le Japon et la Corée, les parapluies perlent les trottoirs de Shibuya, dans l’attente de pouvoir traverser. Les voitures glissent sur le miroir de la chaussée. Les vendeurs de poisson des marchés de Séoul ajustent leurs étals, déambulant parmi les allées détrempées. « Dans le désir, il y a toujours de l’eau », affirmait le peintre italien Leonardo Cremonini – l’un des maîtres de la jeune femme aux Beaux-Arts de Paris. Celle qui compose les corps, au fond desquels se love obscurément toute libido. Celle aussi, des tubes de peinture colorés que la plasticienne applique et fait vibrer sur des panneaux de bois.

Comme chez Goya, la lumière émane des choses dépeintes elles-mêmes, par un travail subtil sur le blanc et l’épaisseur de la matière. Les éclairages factices des enseignes irradient les façades et embrasent les éventaires. Dans la série des tentes, la lumière des ampoules, diffractée par les bâches en plastique, réchauffe les endroits les plus isolés, comme pour les arracher à la nuit et au froid. On voudrait y pénétrer, découvrir ceux qui s’activent à l’intérieur du chapiteau, autant que ceux qui s’y réfugient. En vain. Toute l’œuvre de l’artiste renvoie irrémédiablement chacun à sa place de spectateur d’une scène que les bâches dérobent à nos yeux, d’une foule dont les parapluies effacent les visages, de la vie qui passe, comme sur un rail. « Je n’aime pas donner un visage à un tableau » explique-t- elle. « Je veux garder une certaine abstraction, pour permettre à chacun de se mettre face à soi »


À la fondation Fernet-Branca (Saint-Louis), prolongée jusqu’au 21 février 
fondationfernet-branca.org

vous pourriez aussi aimer