Du côté obscur

©Kunsthaus Zürich

Une passionnante exposition du Kunstmuseum Basel met en lumière les inspirations littéraires et théâtrales de Johann Heinrich Füssli à travers quelque 70 toiles.

Füssli (1741-1825) « refusa toutes les conventions. Surnommé le “Suisse sauvage”, il était profondément incorrect. À bien les regarder, ses tableaux sont très contemporains », résume Eva Reifert commissaire d’une exposition dont le soustitre Drame et Théâtre est un beau résumé. Rien d’étonnant s’il fut considéré par les Surréalistes comme l’un de leurs précurseurs lorsqu’on contemple une des versions du célèbre Cauchemar, où se mêlent un érotisme sourd et un romantisme noir. Une femme alanguie semble dormir, observée par une tête de cheval, tandis qu’une inquiétante bestiole est assise sur son ventre. À une époque où certains artistes exploitent la part de ténèbres des Lumières (alors supposées déverser leurs vertus bienfaitrices sur l’univers tout entier), le peintre helvète donne le la d’un sabbat fantasmagorique où se rencontrent créatures sataniques, bestioles merveilleuses et autres spectres.

Analysant ses sources littéraires – des textes dont ses images constituent de puissantes théâtralisations – cette présentation explore principalement trois directions, les mythologies, qu’elles soient gréco-latines ou nordiques, tout d’abord. Le visiteur y découvre la sensualité langoureuse et les corps lourds de désir et de mort d’Amour et Psyché et Ulysse faisant face aux éléments déchaînés, entre Charybde et Scylla, mais aussi le combat sans merci opposant Thor et Jörmungand, gigantesque serpent de mer. Une autre série de toiles est inspirée de Shakespeare avec un somptueux Réveil de Titania (extrait du Songe d’une nuit d’été) ou un angoissant trio de sorcières sorti de Macbeth. Füssli représente aussi le dramaturge dans une géniale composition où l’auteur du Roi Lear, enfant joufflu et innocent, semble hésiter entre la tragédie et la comédie penchées sur son berceau. Autre source d’inspiration majeure, Milton – auquel le peintre s’identifie – est portraituré en vieil homme aveugle dictant son texte à sa fille. Ce sont cependant les images tirées de son ouvrage le plus connu, Le Paradis perdu qui génèrent la fascination : traité sur le mode épique, ce sujet biblique permet à l’artiste d’héroïser son propos. Le visiteur est irrémédiablement happé par cet univers fantasmagorique, gothique et horrifique.


Au Kunstmuseum Basel, jusqu’au 10 février

kunstmuseumbasel.ch

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