Des poupées qui font non

En référence à un slogan des mouvements féministes des années 1960, une poignée d’étudiantes strasbourgeoises créait, en 2009, l’association Les poupées en pantalon et le magazine éponyme.

Le mouvement de grogne anti loi Pécresse battait son plein depuis de longues semaines en 2009 lorsque neuf étudiantes en Droit, en Sciences et en Arts du spectacle prirent conscience des dérives “genrées” de ce mouvement. « Au cours de l’occupation des bâtiments de la fac, les étudiants monopolisaient la parole pendant les AG tandis que les étudiantes étaient reléguées aux tâches ingrates comme celle de la tenue d’une Cafèt’ », se souvient Anaïs Cayla, l’une des neuf fondatrices de l’association. La pilule du retour au schéma dominant passe mal chez ces militantes engagées, majoritairement, au NPA. Après la mise sur pied d’un débat sur le sexisme lors d’une AG désertée, elles décident de prendre leur parole en main, de créer leur « propre outil de lutte entre femmes » avec ce besoin, comme la plupart des mouvements féministes avant elles, de « se retrouver entre soi pour parler de soi ». Les Poupées en pantalon étaient nées. Objectif : éditer un magazine, deux fois par an pour « dénoncer le système politico-hétéro-patriarcal toujours à l’œuvre dans notre société » clame Anaïs. Avec pour figures tutélaires Simone de Beauvoir, les “343 salopes” et Christine Delphy[1. Auteure et chercheuse au CNRS, elle est la co-fondatrice de la revue Nouvelles Questions Féministes. À paraître en septembre, Un troussage de domestique, ouvrage collectif coordonné par Christine Delphy, éditions Syllepse (7 €) – www.syllepse.net], elles partagent des oppressions communes, débattent énormément sur la déconstruction des genres, les violences faites aux femmes, les fonctions sociales et les inégalités entre les sexes… Il faudra attendre le second numéro pour que les pages de la revue s’ouvrent à des contributions masculines, le comité éditorial restant exclusivement féminin. Un besoin de non mixité quelque peu passéiste – pourquoi, en effet, se couper des apports masculins sur toutes ces questions ? – mais « toujours en débat et non figé » nuance Anaïs. Grâces aux dons, à une aide de la Ville de Strasbourg et au soutien de l’association des Sœurs de la perpétuelle indulgence[2. www.lessoeurs.org], elles éditent trois numéros, ne reculant devant aucun sujet : dossier sur l’IVG, les femmes et le franquisme en Espagne, la lesbophobie, la prostitution, la masturbation féminine… Le ton se veut sérieux (glossaire fourni) et drôle (des horoscopes décalés), cash mais pas provoc. Loin, très loin des campagnes choc comme “Osez le clito”. « Nous voulons simplement être dans les sacs à main des filles, êtres rassembleuses pour faire avancer nos idées. »

À paraître en septembre, Les Poupées en pantalon n°4, dans les librairies Quai des brumes, Kléber, au TNS, à l’Université (3 €)
http://lespoupeesenpantalon.blogspot.com/
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