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Photo de Beata Szparagowska

Dans une ode à François Truffaut, le metteur en scène Antoine Laubin adapte cinq de ses films au théâtre. Le Roman d’Antoine Doinel ou l’éloge de la fuite.

Le temps a fait son travail de sape. Qui aujourd’hui se souvient que François Truffaut – figure de la Nouvelle Vague et du cinéma français, auteur de succès monumentaux et aussi variés que Jules et Jim, Le Dernier Métro ou Les Quatre Cents Coups à quatre décennies d’écart – fut un enfant mal-aimé et fugueur ? S’enfuit d’une maison de correction, se jetant avant même l’adolescence dans toutes les salles obscures lorsqu’il ne dévorait des romans ? L’insoumission et l’intranquillité chevillées au corps, il quitte l’école à 14 ans, vit de petits boulots, monte un ciné-club à 16 et s’engage pour l’Indochine à 19. Rétif, il déserte un an plus tard, connait la prison militaire. Seules son amitié avec André Bazin et sa passion pour le 7e art lui ouvriront les portes de revues critiques où ses analyses et prises de positions tranchantes le feront autant remarquer qu’interdire à Cannes, en 1958. Il fera une entrée fracassante sur le tapis rouge un an plus tard avec Les Quatre Cents Coups, première apparition de son double à l’écran, Antoine Doinel, sous les traits de Jean-Pierre Léaud qui vieillira en même temps que son personnage, 20 ans durant. Un ado rebelle et timide, touchant de maladresse, d’audace et de timidité. C’est ce cycle qu’adapte Antoine Laubin, fasciné par ce héros dont « l’incapacité à s’inscrire dans les schémas dominants – dans son rapport au travail, au couple, à la morale, à la “société”, à l’école – se traite par une légèreté et une fantaisie réelles qui ne gomment jamais la profondeur du questionnement. » Il y entre par L’Amour en fuite, le dernier film, truffé de références et flashbacks autour de l’instabilité du personnage et de son couple qui divorce, entre tromperies et aléas de la vie, espoirs déchus et tentatives de retrouver l’amour fou entre les bras d’une amante de jeunesse. Sa structure permet de retraverser au plateau chaque opus (Antoine et Colette, Baisers volés, Domicile conjugal) pour arriver jusqu’au premier. Pour transcrire le collage et les juxtapositions propres au montage cinématographique nous faisant passer d’une époque à une autre dans l’instant, le metteur en scène dispose le public en quadrifrontal, entourant cinq espaces de jeu. Soixante sièges tournants à 360° sont intégrés à la scénographie pour former un véritable « corps-social » avec Antoine Doinel, dont il ne peut, comme eux, s’extraire. Et pourtant il court, encore et toujours, trompe, se lasse, quitte par amour pour une autre. Lâche mais passionné, cette vaine mais oh combien essentielle quête de lui-même garde toute la force de son auteur, même quarante ans plus tard.


Au Théâtre en Bois (Thionville), du 17 au 19 octobre (dès 12 ans, spectacle en deux parties qui peuvent être vues séparément)
nest-theatre.fr

  • Projection de Domicile conjugal de François Truffaut au cinéma La Scala (Thionville), mercredi 9 octobre
    scala.thionville.fr
  • Bus Metz-Thionville au départ de L’Arsenal (Metz), jeudi 17 octobre à 19h

Au Maillon (Strasbourg), du 11 au 13 décembre
maillon.eu

  • Projection des cinq films de François Truffaut à la Bibliothèque nationale et universitaire les 9 (Les Quatre Cents Coups), 10 (Baisers volés) et 14 décembre (Domicile conjugal et L’Amour en fuite suivis d’une rencontre avec Antoine Laubin)
    bnu.fr
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