Courir

Photo de Jean Gilbert-Capietto

Monologue écrit et mis en scène au NEST par Vincent Farasse, Mimoun et Zátopek balaie les enjeux politiques de la France gaullienne à travers les figures des deux athlètes.

L orsque Vincent Farasse rencontre l’athlète messin Bob Tahri (vice-champion d’Europe du 3 000 mètres steeple, en 2010) se passe quelque chose d’essentiel. « J’ai véritablement découvert un monde », résume l’auteur et metteur en scène. Très rapidement, il se passionne pour les destinées parallèles d’Alain Mimoun et Emil Zátopek. « Le premier est parti de rien : il avait brillamment réussi son Certificat d’études, mais il ne lui a pas été possible d’obtenir une bourse pour étudier, car elle était réservée aux enfants de colons dans l’Algérie française. Le second a été condamné à n’être plus rien, devenu éboueur dans les rues de Prague après avoir critiqué l’intervention soviétique de 1968. » Il décide alors de mettre en perspective, dans un monologue, leurs trajectoires respectives avec, en arrière- plan, les enjeux essentiels de l’Après-Guerre en France : l’essor du communisme et le fait colonial. Cette histoire croisée est narrée par Karim (incarné par Ali Esmili, comédien et passionné de course de fond), un jeune ouvrier qui occupe son usine en grève au début des années 1970. Il se souvient de ses quinze ans, de ses deux héros entre lesquels son cœur balance, Mimoun, Français d’Algérie comme lui et Zatopek avec lequel il partage une proximité idéologique.

Photo de Jean Gilbert-Capietto

Dans une scénographie duale évoquant à la fois un terrain de sport et les bureaux de l’usine occupée où le patron est séquestré par les travailleurs – avec une frontière délibérément floue entre les espaces –, se déploient les deux figures convoquées par le verbe : « Je ne voulais pas de vidéos ou de photos », explique Vincent Farasse. Et de rajouter : « Je crois au pouvoir du théâtre dans son archaïsme. Aujourd’hui nous sommes de toute manière dans un monde saturé d’images. » Karim nous entraîne dans les méandres de sa mémoire sur les traces de deux géants, montrant que la course a pied fournit une riche matière théâtrale… Ce qui n’est pas sans rappeler Courir, le roman de Jean Echenoz (paru en 2008 aux Éditions de Minuit) pour qui le patronyme de Mimoun « sonne comme souffle  un des noms du vent », tandis que Zátopek a une « allure bizarre et fatiguée, montée sur des gestes roidis d’automate. »


Au Théâtre de Thionville, du 7 au 10 novembre
nest-theatre.fr
lestroismulets.com

Bus au départ de Metz (devant L’Arsenal), jeudi 8 novembre à 19h
Échange avec les artistes après la représentation du jeudi 8 novembre

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