Burger quiz

© Julien Mignot

À l’occasion de la sortie de son quatrième albums solo, GOOD, et de sa tournée l’accompagnant, entretien avec Rodolphe Burger, autour d’une sélection de ses titres ou de ceux de Kat Onoma. Reprises – exercice très apprécié par l’artiste – acceptées.

Dans le désert : Vous n’aviez pas l’impression d’être au milieu de nulle part, au moment de Kat Onoma, dans un contexte musical très différent de celui d’aujourd’hui ?

Ça n’était pas loin de ça… À l’époque où le groupe essayait d’exister, dans les années 1980 / 1990, il était incroyablement isolé. Nous avons trouvé des soutiens, un public, mais étions peu suivis par le music business et par la presse branchée… hormis Christian Perrault d’Actuel qui, – trop – dithyrambique, disait : « Le meilleur groupe du monde vient de Strasbourg et personne ne le sait ! » C’était disproportionné, mais il voulait nous empêcher de disparaître.

Il y a moins de chapelles aujourd’hui, davantage de passerelles…

Oui, et moins de sectarisme : mon fils de 20 ans, de la génération Internet, écoute de tout. Actuellement, on ne cherche plus à être d’un club, d’un réseau. Il y a trente ans, comme Kat Onoma brouillait les pistes, le groupe était à l’écart, à la marge.

© Julien Mignot

Story tellers : Mahmoud Darwich, Olivier Cadiot, Pierre Alféri ou, dans GOOD, Georg Büchner : pourquoi autant puiser dans l’écriture pour nourrir votre musique ?

GOOD devait s’appeler Explicit Lyrics car j’y assume totalement cet intérêt pour la chose littéraire et certains morceaux partent non des textes, mais de la voix-même des écrivains, comme TS Elliott qui chantonne par moments. Ça m’émeut énormément. Pour Lenz, je me contente de lire Büchner…

Play with Fire : Grauzone, Trio, Joy Division, Kraftwerk ou, bien sûr, le Velvet. Vous jouez avec le feu en vous prêtant au périlleux jeu de la reprise…

C’est surtout dangereux lorsqu’on reprend Love we tell us appart : les fans de Joy Division détestent ! Comme j’apprécie les défis, j’ai même accepté la proposition de Beau Catcheur, projet de reprises de Fred Poulet et Sarah Murcia qui m’ont invité à interpréter… Dur dur d’être bébé.

 C’est digne de Katerine…

Ben oui, mais je ne suis pas Philippe Katerine ! Je vous invite cependant à écouter le résultat, plutôt étonnant. Je pratique également l’autoreprise, offrant régulièrement des relectures de Kat Onoma, avec des gens comme Olivier Mellano1 ou Bertrand Belin2. Certaines personnes, comme Françoise Hardy, ne supportent pas les reprises ou remixes car ils considèrent que la version originale a atteint un haut niveau de perfection. Je comprends tout à fait ce point de vue, mais ne suis pas fétichiste.

Variation sur Marilou : Gainsbourg, un héritage lourd à porter ?

On me parle souvent de Gainsbourg que j’adore, évidemment, mais je ne me sens pas dans son ombre. Gainsbourg fait des alexandrins, mais plus personne ne peut chanter comme ça aujourd’hui ! On cite aussi beaucoup Bashung, mon ami, devenu statue du Commandeur ! Pourquoi statufier ainsi des artistes ? Mes références étaient surtout anglo-saxonnes à l’époque. Dans les années 1980 nous étions très complexés et Kat Onoma voulait faire quelque chose, en français, qui sonne !

E cetera : Votre musique est assez introspective, mais vous n’êtes pas un solitaire, travaillant sans cesse sur des projets regroupant beaucoup de musiciens, chanteurs, écrivains, etc.

Oui, mais j’ai aussi connu de longues heures en solitaire, dans ma chambre… Je suis davantage dans une pratique musicale partagée aujourd’hui. J’admire les peintres capables de s’enfermer durant des jours, mais j’aurais beaucoup de mal…

The passenger : Vous avez travaillé avec le producteur Doctor L qui s’intéresse énormément à l’Afrique ou avec Rachid Taha3 et sa pop orientale. Vous sentez-vous le passager d’un train international ?

Avec Rachid, nous avons un groupe qui se nomme Couscous clan ! Grâce à lui, j’ai chanté Hans im Schnokeloch sur une musique algérienne : là, je suis d’accord, car il y a un échange !

Le Déluge : La pochette de GOOD montre la couronne d’un roi déchu, qui aurait été découronné par une tempête ou une guerre…

Il y a une réelle poésie dans cette photo de Patrick Mario Bernard : c’est un objet trouvé, un ready-made, loin d’une image publicitaire ou réfléchie. Il a pris cette couronne de galette des rois froissée avec son portable. C’est post-quelque chose, sans doute, mais c’est enfantin aussi. Certains y voient une référence à Baudelaire ou à Isaïe. Pourquoi pas…

C’est dans la vallée : Il s’agit d’un morceau écrit avec Cadiot et le nom de votre festival…

Le festival est en stand-by cette année, du fait de la sortie de GOOD et de la tournée, mais nous allons proposer deux ou trois concerts à la Chapelle de Sainte-Marie-aux-Mines, le premier week-end de septembre.

 The Landscape : Certains de vos morceaux sont conçus comme des paysages, intégrant des sons concrets, volés au réel…

Je partage avec Olivier Cadiot cet amour des voix, des sons, des archives… Le sampler, à son arrivée, a été pour moi comme la découverte de la lampe d’Aladin : tu y enfermes des génies que tu peux invoquer !

L’homme usé : Le rock, la musique pour le théâtre, l’écriture de BO… Tout ça n’est-il pas usant, à force ?

Je suis boulimique, mais ai également multiplié les projets pour des raisons économiques. Je ne compte pas arrêter de sitôt car la musique est vitale pour moi. Parfois elle m’épuise, mais elle est surtout source d’énergie.

 

À La Laiterie (Strasbourg, avec Singe Chromé), jeudi 18 mai

www.artefact.org

 

 

 

 

GOOD, édité par le label Dernière Bande

www.dernierebandemusic.com

 

1 Lire entretien dans Poly n°166 ou sur www.poly.fr

2 Lire entretien dans Poly n°172 ou sur www.poly.fr

3 Lire entretien dans Poly n°163 ou sur www.poly.fr

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