Bandes à part

Photo de répétition d’Emma Depoid

La compagnie Animal Architecte crée Bandes au Maillon : une pièce autour de la contre-culture qui revisite la Commune de Paris, la critique situationniste ou encore les Sex Pistols comme autant de fantômes nous guidant au présent.

De Durée d’exposition1, le premier spectacle d’Emma Depoid et Camille Dagen présenté en janvier à Strasbourg, les deux anciennes pensionnaires de l’École du TNS conservent l’état de plateau final pour point de départ de ce nouveau projet. Tout justes sorties d’une résidence à La Comédie de Reims, le monstre actuel que représente Bandes n’augure pas encore de ce qu’il sera d’ici trois semaines, conscientes du travail restant à mener sur la seconde partie de la pièce. « Ressusciter est le mot clé de la première », confie Camille Dagen. « Nous travaillons dans l’idée de ramener du passé au présent des moments décisifs, à faire revivre de l’histoire, inspirées notamment par Lipstick Traces2. » Une seule idée en tête, faire « rejaillir ces moments qui changent tout et ne sont pourtant pas inscrits dans l’histoire officielle. Ces instants absolus que ces bandes ont créés, auxquels se relier et trouver de l’importance ici et maintenant. » Fidèles à leur continuité narrative diffractée, se mêle à une journée d’errance dans le printemps de La Commune, un même concert violent raconté du point de vue de trois comédiens dans trois temporalités différentes : le dernier des Sex Pistols en 1978, avant que Johnny Rotten, figure du punk, ne lui tourne le dos. Dans leur boite à outils, elles conservent des Situationnistes « l’idée que le temps n’est pas linéaire. Ainsi dérivons-nous sur scène dans le Paris de 1871 en nous laissant modifier par le paysage et le territoire. Chaque événement convoqué est comme une porte menant à un moment qui, s’il se condense assez, crée une situation. »

 Du plateau nu, Emma Depoid forme une sorte de ville reposant sur un dispositif scénographique suspendu. « Lampes à vapeur de sodium ou de mercure révèleront les murs, attirant notre attention sur les trajectoires possibles entre les interstices créés par différents modules : une plateforme lumineuse, de la fumée troublant la vision et des cadres en métal. Une sorte de maquette créant une diversité de rapports d’échelle, de sensations de corps et de limites qui rendent le travail de visualisation des comédiens plus important que jamais pour convoquer ce qui les entoure, en se laissant peupler par l’énergie de tous les artistes et penseurs invoqués, appartenant souvent à la marge. » Ce deuxième temps, « totalement démesuré, parcellaire et troué », explore la conflictualité et l’échec à base d’interviews. Le motif de la dispute contemporaine s’ajoute à une réflexion sur « l’histoire comme un dispositif de pouvoir. Les dadas comme les punks se sont méfiés de toute récupération », assure Camille. « Nous cherchons le surgissement de petites magies brinquebalantes mais puissantes – remplies d’amis vivants ou morts – qui nous relient à de l’intime. » Un espace entre la colère immense et le rêve naïf, des feux allumés réchauffant de tous les échecs.


Au Maillon (Strasbourg), du 10 au 13 novembre
maillon.eu

À La Comédie de Reims, du 18 au 20 novembre
lacomediedereims.fr

bureau-formart.org

1 Lire L’Image manquante dans Poly n°227 ou sur poly.fr
2 Livre de Greil Marcus, véritable encyclopédie de la subversion et de la révolte, paru en français en 1998, aux Éditions Allia

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