Vous avez dit léger ?

Fernand Léger, Le Transport des forces, 1937, FNAC 2015-0477, Centre national des arts plastiques © Adagp, Paris, 2017 / CNAP

Fernand Léger : un artiste vraiment pas light ayant nourri sa peinture dynamique de ses explorations des univers cinématographiques, circassiens ou poétiques. Au Centre Pompidou-Metz, il fait jaillir la beauté de toute chose, même de la guerre.

Pour lui, Le Beau est partout : dans un show de cirque ou un calligramme d’Apollinaire, une comédie de Charlie Chaplin ou un champ de bataille. Ainsi, Léger voit Verdun comme « l’académie du cubisme » : marqué par le chaos d’un conflit meurtrissant l’Europe, il est à la fois effrayé et fasciné par la guerre, appareil à décomposer le paysage et à fabriquer des puzzles humains. Envoyé sur le front, il réalise des dessins ne représentant pas les combats, mais les “à-côtés”, le quotidien des soldats tapant le carton ou fumant des clopes dans les tranchées. Un de ses croquis donnera lieu à une peinture, La Partie de cartes, montrant des hommes mécanomorphes, illustrant parfaitement la période tubiste de l’artiste : les militaires kraftwerkiens et géométriques sont autant d’automates déshumanisés, trahissant la passion de Léger pour l’armement apparu lors de la Première Guerre mondiale, canons et autres machines infernales à déchiqueter les visages et à démembrer les corps.

Fernand Léger, La partie de cartes, 1917, Coll. Kröller-M ller Museum, Otterlo © Adagp, Paris, 2017

Après sa courte et obligatoire phase impressionniste – un peu honteuse –, puis son incursion cubiste, l’artiste affirme vite un style et une palette personnels avec La Noce en 1911-1912. Avant-gardiste et proche de l’esthétique futuriste, cette toile est très mal reçue par la critique, voire jugée inachevée par son ami Apollinaire. Déjà, son regard neuf sur le monde et son affection pour les temps modernes et industriels apparaissent. Ils se confirmeront durant son éclectique carrière. Le très riche parcours dédié à celui qui fréquenta et collabora avec Blaise Cendrars, Le Corbusier ou L’Herbier (pour le décor de L’Inhumaine en 1924), dévoile l’engouement d’un touche-à-tout pour la frénésie des villes, même si c’est un “terrien”, fils d’éleveur de bœufs. Demeurant proche du peuple, du monde ouvrier et des Constructeurs (sa fameuse toile de 1950), cet ours taiseux adhéra au Parti communiste en 1945. Obsédé par la vitesse, le mouvement et les contorsions corporelles – il travailla auprès de chorégraphes –, Léger décrit un espace urbain coloré, géométrique, en célébrant le progrès technologique. Le peintre jalouse le geste précis du Mécanicien (1918-1920) qu’il représente comme un robot. Son film Ballet mécanique est un collage expérimental et hyper-rythmé de visuels mis bout-à-bout. Pour le réaliser, il a étudié le nombre d’images par seconde que pouvait supporter l’œil humain, afin de (mal)mener le public à saturation. Léger ne dénonce pas l’industrialisation, au contraire, mais anticipe l’époque contemporaine où l’homme devient simple rouage d’un monde qui s’emballe dangereusement.

 

 

 Au Centre Pompidou-Metz, jusqu’au 30 octobre

centrepompidou-metz.fr

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