À la découverte du design minimaliste des Shakers

Banc de cordonnier, Mount Lebanon, New York, environ ca. 1845, Shaker Museum, Chatham, New York

Influençant malgré eux le modernisme, Les Shakers ont développé un design minimaliste, épousant leur credo spirituel. À la découverte des créations d’une communauté méconnue. 

Fondée au XVIIIe siècle, la United Society of Believers in Christ’s Second Appearing est un mouvement religieux dont les racines plongent dans le protestantisme cévenol. S’épanouissant aux États-Unis, ces communautés de « Shakers » – un surnom qui leur vient d’une manière frénétique de bouger, confinant à la transe, pendant les cultes – ont développé un design reflétant leur vision du monde, faite de sobriété et d’égalité (entre les sexes, notamment) où le travail manuel est considéré comme une louange à Dieu. En découvrant les pièces exposées, qui ont profondément inspiré le modernisme, impossible de ne pas penser à la célèbre expression attribuée à Ludwig Mies van der Rohe : « Less is more ». Il n’en demeure pas moins que « leur engagement en faveur de la simplicité découlait d’un désir d’éliminer l’excès et la vanité », résume Sharon Duane Koomler, consultante en conservation au Shaker Museum. Et de rajouter : « Leur esthétique est une réponse pratique à leurs besoins spirituels de communauté, plutôt qu’un mouvement précurseur. » 

Cette plongée dans un monde oublié – les Shakers ne sont plus qu’une poignée aujourd’hui – s’avère fascinante: table de couture asymétrique permettant à deux « sœurs » de travailler simultanément, poêle pour chauffer une douzaine de fers à repasser, commode communautaire d’une altière élégance où la fonctionnalité s’unit aux idéaux moraux, chaise munie d’un dispositif de bascule très ingénieux permettant de ne pas abîmer le plancher… C’est tout un mode de vie qui est ici décrit avec costumes, mais aussi boîtes de graines et autres bouteilles de « remèdes miracles », pour lesquels les Shakers étaient renommés. Peu ostentatoires, voire austères, ces pièces, pour la plupart réalisées au milieu du XIXe siècle, sont d’une stupéfiante contemporanéité, à l’image de cet ancêtre du déambulateur aux lignes épurées. Au fil du parcours, elles entrent en résonance avec des œuvres d’art comme The True Artist Helps the World by Revealing Mystic Truths (Tree of Light) : avec cette étrange vidéo réfractée filmée à Holy Mount (Massachusetts) – un lieu important pour la communauté –, clin d’œil assumé à l’icône de néon des sixties signée Bruce Nauman, David Hartt questionne la spiritualité shaker, manifestant l’importance d’accepter des forces plus grandes que soi. Avec 2nd Meetinghouse (2025), Amie Cunat crée une maison bleue (à l’échelle 1) évoquant un lieu communautaire de Sabbathday Lake, dans le Maine, où des éléments architecturaux intérieurs (patères, poêle…) sont transposés à l’extérieur dans une invitation à trouver l’unité. 


Au Vitra Design Museum (Weil am Rhein) jusqu’au 28 septembre 
design-museum.de 

vous pourriez aussi aimer