Plongée dans les clichés de Manfred Willmann à La Filature

Die Welt ist schön Le Monde est beau, 1981-1983 © Manfred Willmann

Avec Schöne Welt, wo bist du?, le septuagénaire Manfred Willmann présente une gigantesque monographie de plus de 300 moments de sa vie, entre scènes du quotidien et nature sauvage. 

Connu pour être l’un des photographes pionniers dans l’utilisation de la couleur en Autriche, Manfred Willmann livre, à travers treize séries ayant fait sa renommée, un point de vue intime sur sa vie en Styrie, au nord de la frontière slovène. Première exposition en France de cette ampleur, on retrouve, parmi les clichés pris entre 1972 et 2024, une reproduction de Selbstporträt (1972) : un quadriptyque révèle le visage et le buste du jeune homme, âgé de vingt ans, ainsi que ses bras, ses fesses et ses pieds. Encadrée de bandes colorées, chaque partie du corps jouxte des accessoires leur étant directement rattachés. Se dévoilent ainsi un pantalon, des chaussures ou un cintre, que l’on recroise dans les derniers fragments encore visibles de l’installation Das Haus, Hodschag, Graz, 1944, 1993 revenant sur l’histoire de ses parents et grands-parents, qui ont quitté l’ex-Yougoslavie pour s’installer en Autriche en emportant avec eux des objets de la vie de tous les jours. Avec Grazer Kontaktporträts (1975), série de 66 portraits qu’il enrichira de sept autres, un an plus tard, l’artiste s’interroge sur la perception et la réalité. Sur les trois oeuvres exposées à Mulhouse, au milieu desquelles se distingue son père, la figure des sujets apparaît comme explosée en 35 morceaux : une fois accolés les uns aux autres, ils reforment la totalité du visage. Christine Frisinghelli, sa compagne, n’est pas en reste puisqu’elle est l’actrice principale de Für Christine (1984-1988), neuf diptyques la rassemblant avec des moments de vie choisis dans une totale « poésie du hasard », explique-t-elle.
 


Manfred Willmann ne se contente pas d’immortaliser les humains. Du côté de 2018-2017, il profite du zoom des appareils numériques pour capter le reste de son environnement avec une précision chirurgicale : une guêpe à la cuirasse éclatante suçant le jus d’une myrtille tombée sur le sol, une sauterelle curieuse s’installant sur un sachet de sucre, une forêt enneigée… avec Nockberge (2005), il passe à la nature sauvage et se plonge dans les sommets alpins, montrant la végétation terrestre et aquatique du massif. Impossible de ne pas mentionner Die Welt ist schön (1981-1983), cycle à partir duquel il commence à photographier en couleur et affirme son goût pour les scènes banales du quotidien, fortement influencé par les photographes vernaculaires américains (William Eggleston, Stephen Shore…). Pour reposer son regard, le visiteur peut entrer dans l’univers noir et blanc de Schwarz und Gold (1979-1981), 80 travaux séparés en trois parties et exposés pour la première fois dans leur intégralité, pavant la voie à l’attrait de l’artiste pour les paysages. 


À La Filature (Mulhouse) jusqu’au 1er juin 
lafilature.org 

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