Ghost

La nouvelle exposition du MAMCS nous projette dans le flux de la vie et laisse Entrevoir l’œuvre vidéo de Robert Cahen hantée par des apparitions, menant par-delà le réel, transperçant le visible.

Regards fugaces, visions fugitives, scènes entr’aperçues… Il est beaucoup question du visible et de l’invisible, de présence et d’absence ou de passage d’un état à un autre dans les installations de Robert Cahen qui multiplie « les évocations mystérieuses » au cours de ses travaux, comme rythmés par le tempo d’un métronome. Joëlle Pijaudier-Cabot, directrice des Musées de Strasbourg évoque l’« aura internationale de l’un des pionniers de l’art vidéo, qui voyage beaucoup », de Shanghai à Buenos Aires, des destinations « qui laissent des traces sur son œuvre à la poésie si particulière ». L’artiste résidant à Mulhouse débute sa carrière dans les années 1970 en tant que compositeur au sein du Groupe de Recherches Musicales (GRM) de Pierre Schaeffer. Cette expérience l’a conduit à l’art visuel, utilisant des effets de ralentis, oscillations ou fondus afin de livrer des images « captées du réel, mais transfigurées par le regard subjectif de l’artiste », note Héloïse Conésa. La commissaire de l’exposition décrit un artiste « s’efforçant de dépasser un pur présent, tout en explorant les invariants de la vie que sont la rencontre avec l’esprit d’un lieu, autrui, la mort… »

Traverses (2002) est une série de lentes apparitions de personnes à travers un épais brouillard « qui les révèle puis les cache », conférant aux individus le perçant un aspect fantomatique. Robert Cahen parle d’êtres accomplissant une douce « traversée d’un espace où le temps est mis à l’épreuve ». Résurgences du passé ? Souvenirs de proches émergents de notre mémoire et semblant franchir le Styx ? La mort habite, en filigrane, les œuvres de Cahen. Filmée dans la capitale du Yemen, la vidéo Sanaa, passages en noir (2007) montre en boucle des femmes voilées circulant dans une ruelle tandis que résonne avec force La Passion selon Saint-Jean de Bach. Une rencontre envoutante et hypnotique entre Orient et Occident, un ballet de sombres spectres. Plus troublante, Françoise endormie (2014), projection sur un tissu transparent comme un linceul (faisant écho au Suaire, 1997), confronte le spectateur au visage de la sœur de l’artiste, une femme âgée, les yeux clos. « Lorsque je me suis penché sur Françoise dans son cercueil, je voulais simplement retenir des images d’elle, sans penser à les utiliser plus tard », se souvient l’artiste. « Je me suis étonné de la voir bouger, à cause de mes mouvements liés à cette difficultés de comprendre ce qu’est la mort. Quand on voit la vidéo, on pourrait croire qu’elle fait semblant », nous confie-t-il à propos d’une œuvre mettant en scène un perturbant entre-deux.

À Strasbourg, au MAMCS, jusqu’au 11 mai

03 88 23 31 31

www.musees.strasbourg.eu

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