Le bilan

Photo de Laura Sifi pour Poly

Voici venue La Nuit du réveil pour Oxmo Puccino. Le nouvel album d’un éternel enfant pas si seul (avec des feats de Gaël Faye, Orelsan ou Erik Truffaz) se sirote par « 35° à l’ombre des baobabs ».

Votre ambition est de « guérir les âmes ». La chanson le permet-elle ?
Bien sûr ! Je le sais grâce aux témoignages, échanges, remerciements, sourires… et effets qu’elle produit sur moi. Je suis mon premier cobaye. Certains de mes textes sont les meilleurs restes d’un problème dur à résoudre, mais réglé, grâce au recul, au temps qui favorise la prise de distance.

La musique comme thérapie…
Nous sommes tous très malades ! Il faut apprendre à vivre avec un lourd bagage…

La Nuit du réveil est-il un retour sur terre, quatre ans après avoir voltigé dans La Voix lactée ?
Après ma trilogie, j’ai eu envie d’être davantage dans le concret, le réel, la contemporanéité. Mon nouveau disque résulte d’un réaiguillage opéré ces dernières années, avec la volonté d’être moins évasif.

Plus direct ?
L’auditeur laisse beaucoup moins de temps à la création. Il se laisse moins de temps tout court. Je voulais aller à contre-sens en me concentrant sur moi-même, puis retrouver ma place dans le flux de sorties hip-hop. La rime est en train de disparaître dans le rap, ce qui colle avec l’incroyable débit de production actuel.

Le morceau La Peau de l’ours (produit par Brodinski) illustre ce virage. Le percevez-vous comme un haïku, avec des mots qui reviennent, tel un mantra ?
Merci de l’avoir remarqué. Il y a en effet moins d’ellipses, mais ce titre – qui semble simple – est extrêmement “technique” par exemple lorsque je dis à la fin du premier couplet : « Si si, je suis à l’écoute et beaucoup causent de Louboutin. J’habite à dix minutes en hélico, trop de pigeons. Moins incognito qu’un pélican intelligent. » On dirait que je raconte des conneries, mais j’ai longuement pesé les mots, travaillé les consonances…

Beats secs, productions dépouillées. Tout l’album a une tonalité d’une étonnante sobriété, malgré les nombreux featurings
Plusieurs parfums et saveurs s’affirment, mais l’information est plus précise. Ce disque, à la fois riche et concis, a l’épaisseur des enregistrements d’antan, mais avec une efficacité contemporaine. Aujourd’hui, le minimalisme est de rigueur et les samples ont disparu : je m’inscris dans mon temps.

Vous parlez beaucoup du temps qui passe et de l’enfance dans vos morceaux, mais un pas est franchi avec Le Nombril où vous évoquez votre personne, in utero !
Le grain de sable que nous sommes a commencé à se former bien avant notre naissance et j’avais envie de faire un clin d’œil au morceau Fetus de Nas sur l’album The Lost Tapes. Durant plus d’une quinzaine d’années, l’idée de faire un titre sur la période pré-natale aussi puissant me travaillait. Me sentant enfin mature pour évoquer le sujet, j’y suis allé tête plongeante. C’était drôle et difficile d’imaginer un monde sans soi : j’ai longuement parlé à mes parents pour qu’ils me racontent comment c’était juste avant que j’arrive. Dans quelques années, Le Nombril passera du témoignage à l’hommage, lorsqu’ils auront disparu.

Vous êtes nostalgique ?
Ma frise chronologique n’est pas horizontale, mais verticale. J’ai instantanément et en permanence accès à toutes les périodes, de mon enfance à aujourd’hui en passant par l’adolescence. Je ne ressens aucune nostalgie car mon passé est juste là, à côté. Mon voyage intérieur est constant.

Pensez-vous avoir réussi votre life ?
Oui, mais je tiens à redéfinir la signification du fait de réussir sa vie qui est liée à la notion de plaisir. Chaque fois que je passe un bon moment, je me dis que j’ai réussi ma life ! Je célèbre chaque instant et le rends encore meilleur. Au final, on peut dire que je ne m’en sors pas trop mal…

Édité par AllPoints France
allpointsmusic.fr


À La Vapeur (Dijon), jeudi 14 novembre
lavapeur.com

À La Laiterie (Strasbourg), mercredi 4 décembre
artefact.org

À L’Autre Canal (Nancy), jeudi 5 décembre
lautrecanalnancy.fr

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