Sans étiquette

© Philippe Stirnweiss

Figure majeure de l’édition 2018 du festival Musica, le compositeur italien Luca Francesconi est un artiste éperdument libre, refusant d’être « placé dans un tiroir ». Portrait.

Dans les fifties, la vie artistique milanaise est intense. Théâtre – avec le Piccolo Teatro de Paolo Grassi et Giorgio Strehler – ou musique, grâce au pionnier Studio di fonologia musicale di Radio Milano fondé par Luciano Berio et Bruno Maderna : c’est dans un bouillonnement bohème que grandit Luca Francesconi (né en 1956). Les musiques qu’écoute son peintre de père lui « traversent les oreilles. Je faisais danser mes petits soldats sur Le Sacre du printemps dirigé par Stokowski, tandis qu’ils se battaient sur un 33 tours de l’École de Vienne placé sous la baguette de Rosbaud », s’amuse-t-il. Le choc a lieu à quatre ans avec un concert du pianiste Sviatoslav Richter. Le jeune garçon rentre à la maison, proclamant : « C’est ce que je veux faire ! » Submergé par la vague rock, il splitte son apprentissage en deux avec, d’un côté, des « rencontres qui m’ont permis d’entrevoir un univers s’ouvrant au-delà de la surface des choses : Jimi Hendrix m’a révélé le blues comme base du rock et Miles Davis ouvert les portes du jazz », résume-t-il. En parallèle, il mène un cursus classique en marge du conservatoire, « un lieu de pénitence, avec ses néons criards et sa pénombre patibulaire ». Ses admirations ? Berio dont il est assistant dans les eighties – Laborintus II fut un autre choc – et Stockhausen dont la création de Donnerstag aus Licht au Teatro alla Scala l’éblouit, en 1981.

S’il ne désire pas « renoncer à l’histoire de la pensée occidentale analytique », il souhaite dépasser la « dichotomie entre le cerveau et le corps » trop souvent à l’œuvre dans le répertoire contemporain car la « musique est certes une construction rationnelle stricte, une architecture, mais également quelque chose d’éminemment mystérieux qui communique avec le corps, ce qu’une “vieille avant-garde” a tendance à oublier. » Celui qui refuse toute étiquette – brocardant ceux qui se bornent à « appliquer des formules » et récusant Charybde et Scylla que sont « académisme et maniérisme » – crée d’envoûtantes sonorités se nourrissant à de multiples sources vives, entraînant l’auditeur dans une zone située entre sons et sens, conscient et inconscient.

 Controcanto de Luca Francesconi est à découvrir dans Counter Phrases (22/09, Le Point d’eau, Ostwald & 26/09, L’Arsenal, Metz), avant Dentro non ha tempo pour orchestre (29/09, PMC, Strasbourg), puis deux pages chambristes Mambo et Animus IIb (30/09, Salle de la Bourse, Strasbourg)

festivalmusica.org

> Conversation avec Luca Francesconi (28/09, BNU)

> Il est le professeur invité de l’Académie de composition du festival dirigée par Philippe Manoury (24/09-06/10) – academie.festivalmusica.org 

 

 

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