Les Proscrits

Photo de Benoît Linder pour Poly

Władysław Szpilman, Ernst Toch, Pavel Haas, Stefan Wolpe… En 2003, le chef d’orchestre Amaury du Closel a fondé un festival et un ensemble destinés à redécouvrir ces Voix étouffées par le totalitarisme.

Quand est né votre intérêt pour ces Voix étouffées ? Dans les années 1980, j’ai découvert par hasard l’œuvre de Franz Schreker, compositeur qui connut un succès immense jusqu’à ce que sa musique soit jugée “dégénérée” par les Nazis. Peu à peu, tout un continent musical englouti par l’oubli s’est ouvert à moi.

Après 1945, ces compositeurs n’ont plus droit de cité. Avec la tabula rasa opérée par les tenants des esthétiques contemporaines, c’est comme s’ils étaient morts une seconde fois… En effet, certains avaient disparu dans les camps, d’autres avaient fui, se consacrant, par exemple, à la musique de films – comme Erich Wolfgang Korngold – et leur musique se heurtait au mur de l’indifférence. Personne ne s’intéressait plus aux esthétiques de l’entre-deux-guerres.

Quelles esthétiques redécouvre-t-on dans le festival ? À partir de 1918, on assiste à une véritable explosion sonore : “jazz savant” – qui fait l’objet de Swing verboten (09/10 à 20h, Cité de la Musique et de la Danse) –, musique sérielle, futurisme dadaïsme, nouvelle objectivité… Les Nazis condamnèrent au silence toute une génération de compositeurs, mais les avant-gardes furent aussi muselées dans l’Union soviétique de Staline au nom du réalisme socialiste.

C’est un chaînon manquant de l’histoire qu’on redécouvre avec des compositeurs comme Mieczysław Weinberg… Exilé en URSS alors que sa famille est exterminée par les Nazis, il est incarcéré par Staline à l’époque du complot des blouses blanches. Sa musique – qui rappelle parfois celle de son ami Chostakovitch – est fascinante : on le découvrira avec la création française de sa Symphonie de chambre n°1 (10/10 à 20h, Cité de la Musique et de la Danse & 11/10 à 16h, Église Saint-Merri).

Pourquoi avoir pris comme thème “Musiques dégénérées, Musiques régénérées” pour la septième édition du festival ?Ce sont des musiques susceptibles d’apporter beaucoup au paysage musical contemporain et de profondément bouleverser les spectateurs : en cela, elles sont avant tout régénérantes !

À Strasbourg (Cité de la Musique et de la Danse, Odyssée), Obernai (Synagogue), Schirmeck (Mémorial de l’Alsace-Moselle), Natzwiller (Camp de concentration de Natzweiler-Struthof) et Paris (Église Saint Merri, Institut Goethe, Centre tchèque), du 9 octobre au 26 novembre

09 73 19 33 41 – www.voixetouffees.org

 

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