Fils de Thatcher

Photo de Daniel Spehr / Musée Tinguely 2016

Avec Out of Order, le Musée Tinguely accueille l’artiste britannique Michael Landy (né en 1963) pour une rétrospective présentant l’exhaustivité de ses séries depuis 1990. Anarchy in the UK.

Jake et Dinos Chapman, Damien Hirst, Steve McQueen… Les Young British Artists firent l’effet d’un électrochoc trash à la fin des eighties. Figure marquante du mouvement, Michael Landy s’expose dans une monumentale “scéno-installation” qu’il compare à « un paysage anglais » occupant tout le rez-de-chaussée du Musée. Le visiteur y retrouve son obsession majeure : la confrontation frontale avec la société de consommation, le matérialisme, le chômage de masse et la désindustrialisation des années Thatcher et Major. Rythmant l’espace Market (1990) figure les stands vides d’un marché ou d’une épicerie, structures métalliques recouvertes de gazon synthétique d’où les marchandises sont absentes. Mélancolie contemporaine… Plus violente est Break Down : en 2001, Landy détruit tous ses biens, de sa voiture à son passeport, en passant par son certificat de naissance. Demeure un inventaire de 7 227 pièces affiché sur un immense mur évoquant la liste des soldats tombés pour la patrie sur un monument aux morts. Pour le plasticien, c’est un véritable reset : le signal artistique de ce nouveau départ est donné par Nourishment, série de gravures délicates représentant avec grande précision des plantes poussant dans le béton, s’immisçant dans le bitume. Comme un arbre dans la ville, son œuvre continue en effet à se déployer avec le renoncement comme fil rouge. Pensons à la très tinguelienne Credit Card Destroying Machine (2010) qui porte bien son nom, critique au premier degré du système à l’efficacité incontestable. Il suffit de broyer un bout de plastoc : just do it ! L’artiste helvète est du reste une figure tutélaire pour son homologue britannique qui réalise d’immenses dessins à partir des photographies de son Homage to New York (1960) – création d’une machine vouée à sa propre autodestruction – qu’il va aller jusqu’à reloader avec H.2.N.Y. Autre œuvre qui rappelle Tinguely, ses Saints Alive (réalisés lors d’une résidence à la National Gallery de 2010 à 2013) sont ses sculptures animées à la semblance d’automates bricolo inspirés de tableaux de Cranach, Sassetta ou Crivelli dont le personnage central est reproduit en trois dimensions. En actionnant un bouton, il se met à bouger et voit son histoire mécaniquement réactivée : une délicate et impavide Sainte-Apolline revit ainsi son martyre en s’arrachant une dent…

Au Musée Tinguely (Bâle), jusqu’au 25 septembre

Out of Order Day : le Musée Tinguely fête ses vingt ans (25/09)

www.tinguely.ch

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