Zeltival : six semaines de festivités à Karlsruhe

Alli Neumann © Clara Nebeling

Six semaines durant, le Zeltival de Karlsruhe réunit sous sa tente légendes internationales du jazz, nouvelles sensations soul et révélations pop, folk, hip-hop ou electro.

Vingt-huit ans que la « ville bâtie en étoile, claire et lumineuse comme une formule », pour reprendre les mots de l’écrivain Heinrich von Kleist, accueille un festival résolument ouvert sur le monde. D’Abdullah Ibrahim à Youssou N’Dour, de Gregory Porter à Gilberto Gil, tous les chants de la Terre ont fait vibrer Karlsruhe. Une philosophie mise à mal par la pandémie, mais dont le Zeltival 2022 a la ferme intention de raviver la flamme. Et qui mieux que le grand Bruxo (“sorcier”) brésilien Hermeto Pascoal (01/08) et son bestiaire jazz de percussions et de cuivres pour célébrer l’aura de la musique universelle ? À plus de 80 ans, le vieux barde à la barbe fleurie, aussi surnommé “l’Albinos fou”, n’a de cesse de détourner les sons pour donner vie à des partitions en forme de sublimes calligraphies, qui ne ressemblent à rien de connu. Pascoal est un ovni, tout ce qu’il touche devient musique. Révéré parmi les musiciens, le bonhomme aux allures de joyeux Barbapapa est capable de faire résonner un banal pot de haricots noirs et transformer des cris d’animaux en hymne à la joie par la seule grâce de ses expérimentations dadaïstes nourries de délires poétiques. Autre guest-star de cette édition : le contrebassiste de légende Dave Holland et son Crosscurrents trio (06/07), formé avec le saxophoniste Chris Potter et le virtuose indien du tablâ, Zakir Hussein. Loin de se contenter d’un assemblage de solos, les trois maîtres improvisateurs, qui ont chacun passé leur carrière à fureter dans les recoins méconnus de leurs répertoires, conjoignent leurs instruments pour explorer les liens culturels entre Orient et Occident.

Et puis, aux côtés de ces mastodontes, la relève : depuis les envoutantes litanies, tantôt soyeuses tantôt guerrières, de la Franco-Marocaine Hindi Zarah (02/07) au trip-hop psychédélique de Dub FX (02/08), en passant par la coolitude folk du Sud-Africain Jeremy Loops (30/07) ou les rythmes survoltés de la jeune Alli Neumann (01/07), bien décidée à faire sauter tous les reliquats du patriarcat dans ses couplets. Avec sa coupe au carré blond platine, cette touche-à-tout hyperactive (musicienne, comédienne, animatrice de radio…), a dynamité la pop allemande en 2021 avec son Madonna-Whore Komplex. Autre pépite à découvrir absolument : la voix puissante, qui subrepticement s’éraille, du nouveau phénomène en provenance de Los Angeles, Lady Blackbird (20/07). En 2020, la diva ébouriffée avait fait sensation en reprenant, en plein mouvement Black Lives Matter, le Blackbird de Nina Simone – déchirante description de la condition noire en Amérique –, avant de signer l’an dernier Black Acid Soul. Un album magistral, sur lequel on croirait entendre tout à la fois le vibrato de Tina Turner et ce petit phrasé âpre, un brin traînant, qui faisait la marque de l’immense Billie Holiday.


Au Tollhaus (Karlsruhe) du 23 juin au 7 août
tollhaus.de

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