Vincent Macaigne réinvente Richard III dans Avant la terreur

© Simon Gosselin

L’impétueux Vincent Macaigne détricote Richard III de Shakespeare pour nous plonger Avant la terreur, en toute démesure.

En 2013, Vincent Macaigne envoyait cinq pages de SMS aux Cahiers du cinéma, comme une longue déclaration à son amour pour l’art. Une ligne de conduite utopique à suivre, afin de ne pas se perdre. « Aimer le désordre. Aimer le chaos. Aimer le bruit. Aimer la vie. Aimer le silence. Aimer la lumière. Aimer l’obscurité. » La poignée de pièces qu’il a depuis montées, divisent, énervent, comme si le monde du théâtre se refusait à l’intégrer, même à la marge, là où le septième art, plus consensuel, lui ouvre les bras. Le metteur en scène de 45 ans avait disparu des planches depuis sept ans. Le voilà qui poursuit le chemin initié en 2011, à Avignon, avec sa relecture toute personnelle d’Hamlet dans Au moins j’aurais laissé un beau cadavre. Mêmes ingrédients dynamitant les vers de Shakespeare, mêmes hurlements habités en recherche d’expurgation des maux qui nous assaillent. Colère froide, rage fiévreuse, fracas de violence et ivresse de sang. Le pouvoir corrompt les âmes, insuffle un poison sans remède. Son Richard III, affreux, obscène et vulgaire, est capable d’étrangler ses potentiels successeurs à mains nues, alors qu’ils ne sont encore que des enfants. La cruauté voisine avec la fureur, sans limites apparentes. Le dernier souverain de la maison d’York vit dans une demeure aux murs immenses, où les cris à l’aide issus de vociférations maximales s’inscrivent littéralement à quatre mètres du sol.


Dans ce théâtre du débordement permanent, peuplé d’injonctions aux spectateurs, la brutalité sans retenue colle à notre imaginaire des jeux de pouvoir de cette fin de XVe siècle. Macaigne s’amuse à appuyer là où ça fait mal, catapultant la sauvagerie d’alors dans notre époque où les tyrans sont loin d’avoir disparu, où la surveillance généralisée menace insidieusement. Bien sûr, les générations se suivent et se révoltent, prennent ici la défense des mères en tentant de tourner le dos à l’Histoire, sans pour autant être sauvés de quoi que ce soit. La vidéo grossit et distord, plaque une esthétisation commune à la surabondance actuelle d’images sur nos écrans. Mais c’est un peu comme si la réalité de l’humanité qu’il nous présente, éreintée par les guerres et ployant de toute part, était à bout. Le geste est toujours radical, ressemble à un palimpseste dans lequel l’effroi le dispute au vertige. Chacun pourra se demander si rajouter autant de bravades que possible, de scènes grotesques et tirades de son cru, jouissivement irrévérencieuses, telle une bande de sales gosses effrontés bien décidés à nous en donner pour notre argent, fait encore effet. Si notre accoutumance à l’outrance quotidienne ne désarme pas celle qu’on propulse sur scène.

Vincent Macaigne : Avant la terreur

Au Grand Théâtre de Luxembourg jeudi 9 et vendredi 10 mai

theatres.lu

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