Traffic

Photo de Kristin Lee Moolman

Belge d’origine congolaise, Baloji puise dans l’héritage africain pour composer une musique sans frontières, entre afro-beat, rumba congolaise et hip-hop marabouté.

« C’ est pas un coup de foudre, c’est une déflagration » chante Baloji sur L’Art de la fugue. C’est exactement l’impression que nous fait 137 Avenue Kaniama, dernier album d’un sorcier du son Bipolaire conciliant NTM et RDC. Kongaulois mêlant rythmes de la brousse, nightclubing de Kinshasa et rap francophone dans des titres enjoués aux textes ciselés, il cite Danny Lafferière (Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer ?) ou Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Gondry. Autofiction, poésie du quotidien et chronique sociale acerbe, le rappeur décrit des « gilets jaunes fluorescents » sur un morceau (Hiver indien) datant de l’an passé. Une intuition ? « Mon texte se réfère aux “porteurs”, personnes qui remplacent les ascenseurs dans les tours et revêtent une tenue voyante, reconnaissable de tous. » Si l’ambiance est chaloupée, le propos est cru et le constat grave. Baloji évoque l’exil, la technologie mobile rendant accroc, les familles éclatées, les cultures qui se heurtent et les illusions perdues. « Je partage beaucoup de moi-même », confie un artiste qui joue avec les temporalités, les formes et l’espace, avec la liberté de ceux qui peuvent s’affranchir des règles… car éloignés des radars. « Ma musique, hors format, ne répond à aucune attente : je n’ai pas de caisse de résonnance, pas de fanbase et aucun soutien chez les influenceurs ou dans l’industrie musicale. Game over ! » lâche- t-il, désabusé. La plupart de ses morceaux sont pourtant des tubes en puissance, servis par de beaux clips qu’il a lui-même réalisés. «Comme Gainsbourg reprenant une sonate de Beethoven ou Gonzales se réappropriant Satie », Baloji pioche (en citant ses sources) dans le patrimoine musical africain pour Soleil de Volt (reprise de Dooyo de Dur-Dur Band) ou Le Jour d’Après (Indépendance Cha-Cha de Grand Kallé). « Je viens du hip- hop, culture du sample et de la relecture », affirme un esthète perfectionniste parvenant à joindre « le futile à l’agréable. C’est l’histoire de ma vie!» Pour sa vidéo de Zombies, il a fait construire un ananas géant, resté coincé à l’aéroport en Éthiopie (les douaniers pensaient qu’il y avait planqué de la drogue) et lui a valu bien des complications… « pour de simples plans de quelques secondes ! »


Au Jardin des deux Rives (Strasbourg), jeudi 16 mai, dans le cadre du festival Pelpass (16-18 mai, avec Rubin Steiner, Cadillac, Drame…)


pelpass.net

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