Sur écoute

© Didier Allard

Avec Zome, présenté dans le cadre du festival aventureux Musique Action, le musicien eRikm, accompagné de l’artiste numérique Stéphane Cousot, décrit et décrie un monde ultra-surveillé : le nôtre.

Pots d’échappement pétaradants, cris d’enfants, brouhaha ambiant… eRikm se réfugie dans une église du 18e arrondissement parisien pour se tenir à l’écart du bruit urbain et se concentrer sur notre conversation téléphonique. Sauf que les cloches se mettent à sonner. Le ding dong assourdissant l’oblige à vite déguerpir. Rien à faire : les sonorités de la vie poursuivent cet artiste proche des musiques concrètes et électroacoustiques, sculpteur de vinyles, platiniste virtuose évoluant dans le milieu expérimental depuis près d’une trentaine d’années. Ancien guitariste rock, collaborateur des icônes Christian Marclay et Luc Ferrari, le musicien / plasticien utilise les sons modelés pour divers projets musicaux qu’il enchaîne de manière frénétique. Les raisons de cette boulimie sonique sont économiques (« Il faut être dans la pro duction permanente pour vivre de son travail ») et artistiques, eRikm remettant « sans cesse les processus créatifs en question ». Dans un monde « de l’œil », où la musique est considérée « comme un produit de consommation », l’artiste d’origine mulhousienne continue de tracer sa route en engageant physiquement son corps dans des dispositifs très divers : auprès de quatre musiciens des Percussions de Strasbourg, d’un vidéaste et d’un technicien pour Drum-Machines, véritable chorégraphie en dix mouvements en concert, ou aux côtés de son collaborateur de dix ans,
Stéphane Cousot, pour Zome.

 

© Mizuki Nakeshu

Ce dernier, enseignant à l’École supérieure d’Art d’Aix- en-Provence, artiste numérique et membre très actif du laboratoire Locus Sonus, pioche dans un corpus d’images live issues de 900 caméras de vidéosurveillance. Il superpose ce qu’elles captent un peu partout dans le monde – un hall d’immeuble en France, un parking au Texas, la fenêtre d’un laboratoire allemand –, pour créer des tableaux abstraits et souvent statiques. Les vidéos se superposent, tandis que les sons s’empilent : venant de 44 micros disséminés à travers les continents, dans des parcs, aéroports ou rues, ils sont manipulés par eRikm. Convoquant John Cage, il « travaille sur la non-écriture et le temps réel » à partir de fragments sonores extraits au réel via Soundmap, page web mise au point par Locus Sonus se présentant comme une carte où l’on clique pour entendre en direct des oiseaux à New York, des frémissements marins dans l’Océan Paci que, des automobiles londoniennes… De plus, eRikm utilise une dizaine de prismes (culs de bouteilles…) pour transformer et altérer les images projetées, grâce à des filtres artisanaux. L’ensemble compose un univers audiovisuel « très onirique » et critique car dénonçant un monde hyper-sécurisé, sorte d’effrayante « anti- dictature » où infos, sons et photos circulent, en temps réel, d’un bout à l’autre du globe.


 

Au CCAM (Vandœuvre-les- Nancy), dimanche 20 mai, dans le cadre de Musique Action
erikm.com
Musique Action, au CCAM de Vandœuvre-les-Nancy (et aussi à L’Autre canal de Nancy, à la MJC Lillebonne…), du 14 au 21 mai
centremalraux.com

vous pourriez aussi aimer