Street Life au Wilhelm-Hack-Museum

Valie Export & Peter Weibel, Aus der Mappe der Hundigkeit, 1968, Sammlung Generali Foundation – Dauerleihgabe am Museum der Moderne Salzburg © Generali Foundation, Photo : Josef Tandl ; VALIE EXPORT: © VG Bild-Kunst, Bonn 202

De Kirchner à Streuli, Street Life revisite l’espace urbain comme une scène où les questions se retrouvent propulsées par l’art.

Des Modernes à aujourd’hui, l’intérêt grandissant pour la rue – son effervescence, ses travailleurs, sa circulation de flux, son utilisation à des fins politiques… – permet une entrée thématique dans l’histoire de l’art que franchit avec avidité le Wilhelm-Hack-Museum. Regroupés en six thématiques incisives, les chefs-d’oeuvre revisitent le positionnement des grands courants : pour le futurisme les villes symbolisent le dynamisme et la modernité alors qu’elles sont un lieu de plaisir et de dépravation pour les expressionnistes s’intéressant autant aux conflits sociaux et politiques qu’à leurs ramifications aux troubles intérieurs de chacun. Les surréalistes projettent dans le labyrinthe de rues les obsessions refoulées et les désirs secrets de l’Humanité. La photographie s’emparera comme nul autre médium de cet espace commun. En flâneurs, les artistes emprunteront tour à tour des visions humanistes et sociales, à l’instar d’Helen Levitt immortalisant la vie au bas des blocs de Harlem dans les années 1930, notamment les jeux d’enfants, les dessins à la craie. Si la “street photography” est devenue un genre en soi, assez sauvage, avec ses prises de vue sur le vif qui rendent compte du bouillonnement des villes contemporaines et de ses excès, un Beat Streuli (né en 1957) célèbre le mouvement, la diversité et les complexes contradictions d’un monde globalisé.


La réappropriation de l’espace public par les performeurs, à partir des années 1960, en fait le lieu idoine de critique de la consommation, du conformisme. Ainsi Valie Export promenait-elle Peter Weibel en laisse, à quatre pattes, en 1968. Avec Villeglé, les affichistes détournent les publicités et leurs messages. Les grandes luttes étudiantes, manifestations pour la paix ou les droits civiques ont fait de la rue l’immense toile de leurs revendications émancipatrices. Le mouvement des parapluies à Hong-Kong, Black Lives Matter et d’autres leurs succèdent de nos jours. De là au graffiti, il n’y a qu’un pas, que le précurseur Brassaï immortalisera avant tout autre (son Roi Soleil gravé dans la roche dans les années 1940 rappelle les peintures préhistoriques). Keith Haring commença à y remplir des surfaces planes, Jean-Michel Basquiat y laissait un peu partout son Same Old Shit quand il n’en empruntait et subtilisait le mobilier (palissades, portes, bouts de bois…) comme support de ses premières peintures. Le ballet de signes, d’enseignes, de néons et de signaux de circulation fascinera le pop art et l’art conceptuel. Mais si nous devions n’en choisir qu’un, ce serait peut-être Rudolf Schlichter, dont une superbe aquarelle sur papier de ses “mannequinades” (Hausvogteiplatz, 1926) présente des passants sur leur 31, pressés sur une place entre boutiques chic… et gibet dont suinte du sang, en arrière-plan.


Au Wilhelm-Hack-Museum (Ludwigshafen am Rhein) jusqu’au 5 mars 2023
wilhelmhack.museum

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