Storytelling : La Généalogie du mensonge par la compagnie Pardès Rimonim

La généalogie du mensonge, © Nothammer

Dans sa nouvelle création La Généalogie du mensonge, la compagnie messine Pardès Rimonim s’attaque à la « maladie narrative » de notre espèce.

Voilà près de cinq ans que Bertrand Sinapi planche, avec Amandine Truffy et Valéry Plancke, sur « la grammaire du récit, les archétypes des histoires, la nécessité d’avoir des méchants et un drame pour faire avancer les choses. » Cette propension de l’Humanité à créer de la fiction partout, tout le temps et avec tout le monde, fait figure de « maladie narrative » que le trio est bien décidé à décortiquer. Rien de moins évident pour des gens de théâtre, « le lieu du récit mensonger– ou du moins inventé – par excellence, qui en fait celui de la vérité puisque tout le monde assume que ce qui s’y dit est faux », s’amuse le metteur en scène. Et de piocher chez Yuval Noah Harari1 l’idée que la capacité de notre espèce à mettre en récit le monde serait le socle de croyances communes qui aurait permis son développement et sa domination sur le reste du vivant en rendant possible notre coopération à grande échelle. « Les religions, les structures politiques mais aussi nos mythes fondateurs comme les systèmes monétaires ne sont que des fictions. Pas un autre animal que l’Homme ne serait prêt à abandonner un morceau de son territoire en échange d’un bout de papier, d’une bonne histoire. » La Généalogie du mensonge prend la forme d’une conférence tout à fait sérieuse, dérivé d’un TEDx bordélique mais organisé, qui va lentement déraper vers une histoire composite enfantant un nouveau monde. Sur scène, deux comédiens exposent règles et outils nécessaires à une bonne histoire, revisitant les nuances des genres (western, comédie, tragédie…). Ils performent avec une intelligence artificielle qui va, par un heureux accident, fusionner avec le régisseur plateau ! La crise de sens qui en découle prend les atours d’une farce chaotique mâtinée de conte philosophique dans lequel les racines punks de la troupe sont sublimées. Car sous des dehors joyeux, s’inventer des histoires ne sert pas simplement à divertir les enfants avant le coucher, ni à transmettre des valeurs, échafauder des plans en naviguant entre ce qui est prévisible et ce que nous imaginons, concevoir les alternatives les plus improbables, mais aussi et surtout à affermir un pouvoir certain sur ceux qui les écoutent… et y adhèrent. En filigrane, se tisse ainsi une réflexion sur nos propres responsabilités face aux récits produits, au théâtre comme dans nos vies.

Teaser Saison 2021/2022 Espace Bernard-Marie Koltès, avec Bertrand Sinapi de la Cie Pardès Rimonim sur la Généalogie du Mensonge (9:48)

À l’Espace Bernard-Marie Koltès (Metz) jeudi 3 et vendredi 4 février (dès 13 ans)
ebmk.univ-lorraine.fr


1 Sapiens, une brève histoire de l’humanité (Albin Michel, 2015)

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