Robolution

Photo de Clara Euler

Artiste associé à La Manufacture de Nancy, Raphaël Gouisset signe une conférence automatisée pour deux humains et un robot, entre aléatoire et déconnade jubilatoire.

Tout est parti d’un laboratoire de recherche de jeu avec Aurélien Serre, se souvient Raphaël Gouisset. « D’un amour commun de jouer les robots, en faire les bruitages, des combats plus ou moins sérieux. Aurélien est hyper fort à ce jeu et je me défends pas mal… » Mais dans leur délire improvisé, ils perçoivent vite qu’il n’y aura pas matière à constituer un spectacle. Le duo se plonge alors avec le sérieux des enfants dans sa culture geek, pop et SF, traversant les questions sociétales que soulèvent plus que jamais la robotique et l’intelligence artificielle. « On s’est dit qu’il fallait se documenter fortement, mettre au même niveau rapports éthiques de la Cerna (Commission de réflexion sur l’éthique de la recherche en sciences et technologies du numérique d’Allistene) et interrogations plus ou moins fantaisistes sur notre rapport aux robots. Pas question pour nous d’être pris en défaut scienti quement parlant. Ainsi, on peut se permettre de rigoler de tout ! » L’idée d’une conférence naît avec une liste de questions plus ou moins sérieuses : un robot peut-il être con ? Comment annoncer à vos proches que vous êtes amoureux d’un robot ? Qui a tué Robot des bois ? Est-ce qu’un jour, dans les bus, les robots devront s’asseoir au fond ? De quoi balayer le prisme des questions sociétales se cachant derrière les évolutions scientifiques exponentielles liées à la révolution numérique, traverser les
fantasmes et clichés véhiculés par les anti-IA et les tout aussi sectaires transhumanistes.

Photo de Clara Euler

Pour donner la réplique, il fallait bien un robot, un vrai. Le Turtlebot retenu n’a pas le sex-appeal d’une Réplicante de Blade Runner, ni le vice des androïdes de Westworld mais il (ou elle, qui sait ?) est doté d’assez d’autonomie pour se déplacer et choisir de manière aléatoire (la puissance des algorithmes) quelques interrogations aux deux loustics férus de cyberpunk. « Nous partons toujours des trois mêmes questions pour avoir un socle commun avec le public : Est-ce que la guerre contre les robots est inévitable ? Où en est-on avec Asimov * ? Les robots doivent-ils ressembler à l’Homme ? » Le tout reste très vivant et aléatoire, les comédiens jouant des capacités et surtout des incapacités de leur robot sur scène. « Je m’amuse à le traiter comme un guéridon roulant puis comme une personne dotée d’une véritable intelligence », précise Raphaël. « Ce changement de statut crée du jeu. Nous ne sommes pas des spécialistes, mais à notre niveau, enclenchons un tas de questionnements chez le spectateur. D’ailleurs, ne sommes-nous pas déjà tous des robots ? Si nous n’osons pas répondre à cette question, c’est que le programme qui gère notre intellect est vraiment bien foutu. Et que c’est notre Turltebot qui maîtrise le monde. »


Au Théâtre de la Manufacture (Nancy), du 26 février au 2 mars

theatre-manufacture.fr
À Artem (Nancy), mercredi 6 mars

alliance-artem.fr
Au Shadok (Strasbourg), samedi 13 avril
shadok.strasbourg.eu

* Auteur de science fiction inventeur des trois lois sur la robotique, dont témoigne le film I, Robot, tirée d’une de ses nouvelles et deux de ses romans

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