Portrait de Fishbach et ses airs de synthpop rétro

Photo © Luka Booth

De retour sur scène avec un deuxième opus flamboyant, Fishbach chante Avec les yeux des airs de synthpop dopée aux guitares électriques, entre kitsch et totale décontraction.

Elle a les yeux bleu-vert, couleur des forêts de la vallée de la Semoy. Sur son étrange chant rauque planent parfois les paysages habités de brume et le soleil pâle des Ardennes, où la jeune femme vit entourée de sa famille, à quelques kilomètres de Charleville-Mézières. Viscérale, fantasque, punk ou sentimentale, tantôt freak tantôt glam’, Flora Fischbach – aka Fishbach, sans le “c” à la scène – cultive une image un peu froide et aime brouiller les pistes dans ses chansons à texte plus évasives qu’explicites. Une chose est sûre, la trentenaire a une passion inextinguible pour les nappes de synthés oniriques tout droit échappées des folles années 1980 ! Après le succès d’À ta merci en 2017, celle qui se veut aussi DJ et comédienne à ses heures (on l’a vue dans l’adaptation en série du Vernon Subutex de Virginie Despentes) revient avec un flamboyant deuxième album, tout frais sorti. Titré d’après le commentaire poétique reçu d’une fan (« Tu chantes avec les yeux »), le disque se place une fois de plus sous le signe de l’audace, entre guitares rutilantes à la Supertramp (La Foudre) et effets mouillés de voix réverbérée (Nocturne), saillies sarcastiques contre les injonctions moralisatrices en vogue sur les réseaux sociaux (Dans un fou rire) et ballade country mi-dépouillée, mi-surréaliste (Quitter la ville).

Souvent, on l’a mise dans le même sac que Clara Luciani et Juliette Armanet – des amies –, érigeant le trio en fer de lance du renouveau féminin de la chanson française. Mais si elle partage avec ses consoeurs les mêmes références à la varièt’ qu’écoutaient probablement leurs parents, l’Ardennaise développe une approche bien à elle, creusant le sillon maximaliste et post-moderne de l’hyperpop. Le mouvement est apparu au milieu des années 2010 : pas vraiment un genre à proprement parler, plutôt une façon de faire encore de la musique quand tout a déjà été fait. À l’instar du Québécois Hubert Lenoir ou de Mathilde Fernandez (moitié du duo Ascendant Vierge), Flora puise dans tous les styles des trente dernières années pour en sortir un combo un peu barré, mêlant références pointues et exubérance pailletée. Comment ne pas entendre, sur le rutilant Masque d’or, les modulations de voix truculentes et versatiles de la grande Catherine Ringer, maîtresse es-théâtralité ? Aventureuse – à coup sûr ! – la jeune femme se joue avec insolence du mauvais goût, en fait volontairement des tonnes, quitte à verser dans un pompiérisme assumé. Vous avez dit Démodé ? L’adjectif lui sied bien, elle qui n’aime rien tant que nager à contre-courant.


Au Siren’s Call Festival (Luxembourg) samedi 25 juin, à La Magnifique Society (Reims) dimanche 26 juin, à La Vapeur (Dijon) jeudi 24 novembre et à La Laiterie (Strasbourg) vendredi 25 novembre
fishbach.fr

vous pourriez aussi aimer