Passages Transfestival : entretien avec Benoît Pradel

La nouvelle édition de Passages Transfestival se tourne vers les artistes transalpins. Interview du directeur de ce Transitalia messin, Benoît Bradel.

Comment va le festival après trois années compliquées, qui ne sont peut-être pas finies d’ailleurs ?
On ne sait jamais quand ça finit. Passages Transfestival va bien, même si cela a été difficile de faire trois éditions en 11 mois afin d’honorer les reports. Ce rythme a été fédérateur et formateur pour la nouvelle équipe. Il nous a aussi permis de retrouver un public en mettant la gomme ! Il est friand et avide de propositions fortes, comme lors de notre mini-festival de novembre, plein à craquer, qui regroupait des artistes venus d’Afghanistan, de Russie et d’Ukraine. Revenir à un festival annuel après des années de biennal n’est pas évident, surtout à une époque où les collectivités territoriales connaissent de vraies difficultés. C’est complexe, mais ils voient le travail que nous menons et cherchent avec nous des solutions pour mieux nous soutenir.

L’Italie est au centre de cette édition, qui s’empare de nombreuses thématiques actuelles : les représentations sociales, celles du corps, la normativité…
Le théâtre oscille toujours entre art, politique, poétique et société. Il est important que les grands artistes internationaux nous éclairent sur les questionnements du monde, sans pour autant se départir d’humour et d’un sens festif, à l’instar de Silvia Gribaudi revisitant son spectacle Grâces dans une nouvelle création pour le Ballet de l’Opéra-Théâtre (Variazoni di Grazia, 05/05, Opéra-Théâtre), ou en chorégraphiant Claudia Marsicano (R.OSA, 06-07/05, QG Transfestival), dont le corps surdimensionné est utilisé dans un vrai-faux cours d’aérobic incroyable, bougeant les représentations habituelles. Elle s’attache même au corps des femmes de plus de 60 ans dans le film Overtour (06/05). J’aime aussi particulièrement le solo Cruda (06-11/05, QG Transfestival), dans lequel Constanza Sommi, ancienne gymnaste argentine de haut niveau à qui on répétait qu’elle était trop grosse ! Sans oublier l’incroyable Hamlet de la compagnie péruvienne Teatro La Plaza (17-18/05, QG Transfestival, également à Théâtre en Mai (Dijon) 21-23/05, voir pages 28-29) avec des comédiens trisomiques qui nous parlent de nous, depuis leur différence, en ouvrant de grands champs de réflexion et de sensation.

Passages Transfestival : Ara ! Ara ! © Valerio Figuccio
Passages Transfestival : Ara ! Ara ! © Valerio Figuccio

Certains, à l’image de Panzetti et Ticconi, s’emparent des questions d’identité et de symboles comme le drapeau, à une époque où le nationalisme monte fortement…
Quand nous planchions sur la programmation, Giorgia Meloni n’était pas encore au pouvoir, mais la montée des extrêmes menaçait déjà un peu partout. Ginevra Panzetti et Enrico Ticconi (AeReA, 13/05 et Ara ! Ara !, 14/05 au Centre Pompidou- Metz) détournent l’emblème des drapeaux, jouent de la couleur et du noir et blanc comme de leurs symboliques de pouvoir ou de linceuls. Dans Sonny (13/05, QG Transfestival), la Slovène Nataša Živkovic réalise une performance sur les vierges sous serments, qui peuvent vivre en homme, sans changer de sexe, mais pour devenir des chefs de famille. Elle interroge comment nos corps peuvent se transformer, mais aussi l’immobilisme des traditions.

Passages Transfestival

Dans divers lieux de Metz du 3 au 21 mai
passages-transfestival.fr

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