Ne dormez jamais !

Le Strasbourgeois Frédéric Cisnal est retourné à Berlin afin de recueillir le témoignage des acteurs de la scène musicale underground des eighties. Ils sont rassemblés dans un passionnant ouvrage prenant la forme d’un recueil d’interviews.

Le Berlin des 1980’s ? Une ville portant « encore les stigmates de la Seconde Guerre mondiale ». Dans son introduction, Frédéric Cisnal, décrit ainsi la « cité malade » : « Les hivers rigoureux, la pollution engendrée par l’industrie de la République démocratique allemande et le chauffage au lignite rendaient l’atmosphère suffocante. » L’auteur qui, de père militaire habita à Berlin-Ouest de 1974 (il a 4 / 5 ans) à 1990, n’idéalise pas cette époque. Il nous confie : « La vie était dure, c’était triste, très différent d’aujourd’hui. Berlin était une ville emmurée, sous perfusion, avec une jeunesse à l’abandon. »

Dans ce sinistre contexte de Guerre froide, une scène artistique foisonnante s’est développée. De jeunes gens à la marge, fuyant le service militaire, se réunissaient dans des caves, squats, cinés alternatifs ou apparts communautaires pour inventer un nouveau langage, des concepts artistiques novateurs où l’accident n’est pas exclu, afin de « fuir un quotidien morne et de lui donner un sens », écrit-il en préambule d’un livre qui donne la parole aux héros de la période allant de 1977 à la chute du Mur, en 1989.

Durant quatre ans, Frédéric mena une série d’entretiens dans des bars devant une bière, en backstage ou dans le hall d’un hôtel. Un fil conducteur s’est tissé, « une histoire se racontait ». Berlin avant la techno se compose ainsi d’une succession d’interventions : Edgar Domin de Mekanïk Destrüktïw Komandöh, Jochen Arbeit de Sprung aus den Wolken ou Die Haut, Kiddy Citny, peintre du Mur et membre (entre autres) de O.U.T. (qui accompagna Nina Hagen), Wolfgang Müller de Die Tödliche Doris… La figure tutélaire : Einstürzende Neubauten. La statue du commandeur : Blixa Bargeld, leader d’un groupe cherchant à briser les conventions, jour et nuit, en s’interdisant de dormir pour créer, aidé par les effets de substances. « Qui dort perd » est la devise.

Ces « dilettantes géniaux » voulaient faire quelque chose par eux-mêmes pour se sentir en vie, témoignent les protagonistes. « Faire du bruit et tout lâcher », avec les moyens du bord et en ouvrant la voie à bien des formations. Composer à l’aide d’un magnétophone à bande, d’un séquenceur bricolé, d’appareils électroniques home made, d’un clavier Casio, d’une plaque de métal ou d’un morceau de tôle dégottée sur un chantier.

Andrew Unruh, batteur de Neubauten, raconte : « J’ai utilisé une meuleuse électrique et un marteau piqueur, avec lequel je perçais les murs. […] Pour moi, c’était l’expression de la peur, de la brutalité, du massacre. » Blixa Bargeld enfonce le clou : «  Un marteau est un meilleur instrument qu’une guitare. […] Un instrument de musique est issu d’une longue tradition et d’une longue histoire. On allait peut-être aussi contre cette histoire et cette tradition.

 

Berlin avant la techno, du post-punk à la chute du mur, édité par Le Mot et le Reste (21 €)

www.lemotetlereste.com

 

 

Exposition Kiddy Citny, un cadeau pour la liberté du 2 octobre au 7 novembre au Pôle Culturel de Drusenheim à l’occasion du 25e anniversaire de la Réunification allemande

www.pole-culturel.drusenheim.fr

 

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