Monsieur l’ambassadeur

Un battant, un noir à la peau claire qui chante la différence. À l’occasion de son passage dans l’Est, évocation du parcours de Salif Keïta, représentant de la musique malienne dans le monde.

Sa vie est un conte. Une histoire comme les griots aiment les colporter, de village en village, d’oreille à oreille. Celle de Salif Keïta, né en 1949 à Djoliba, au Mali, mis au ban dès sa naissance à cause de sa différence, perçue comme une malédiction. Albinos, il ne souffre pas seulement d’une mauvaise vue relative à ses problèmes génétiques, mais surtout du regard moqueur, inquisiteur, méprisant des autres, de ses proches, de sa propre famille. Un handicap ? Un étendard ! Durant son parcours, il ne cessera de batailler contre les idées reçues, les sottises entourant l’albinisme dans le continent. En devenant l’artiste qu’il est aujourd’hui, il contribuera à faire taire les oiseaux de mauvais augure, son père en premier lieu, qui le renia, mais auquel il dédicacera un album (Papa, 1999) à sa mort, la paix étant revenue entre eux.

Descendant d’une famille princière, Salif se heurte à un nouveau mur de protestations lorsqu’il envisage d’embrasser une carrière dans la chanson. Scandale. On ne sort pas de son rang : à chaque individu sa caste, à chacun sa case. En 1967, il claque la porte et s’installe à Bamako pour se frotter au monde artistique et faire ses premières gammes devant un public séduit par sa voix au timbre si particulier, limpide comme l’eau du fleuve Niger. Il vole de ses propres ailes, de club en club, de formation en formation, l’ensemble Rail Band ou Les Ambassadeurs Internationaux. Ce volatile de nuit à la peau fragile fuit la lumière mais attire les spots lights, grâce à ses complaintes mandingues et ses ballades déchirantes, accompagnées des notes de kora ou de balafon.

Celui qui dit avoir été « sauvé par la musique » et affirme être porté par l’expérience de la scène s’avère le chantre d’une tradition chahutée, n’hésitant pas à mêler les sonorités afro à d’autres influences, à confier la production de ses disques à des personnalités œuvrant à la fusion des genres, comme Philippe Cohen Solal de Gotan Project, aux manettes de l’album Talé (2012). « J’ai toujours été en contact avec les musiques européennes ou américaines, qu’elles soient pop, latino ou reggae, et il me parait normal d’ouvrir la porte à d’autres tendances internationales. Il est obligatoire que ça se sente dans ma musique », nous confie Salif Keïta qui travailla avec des gens très différents, de Kanté Manfila à Roots Manuva en passant par Carlos Santana ou Cesaria Evora.

Si Salif n’hésite pas à s’engager (pour les albinos ou aux élections législatives maliennes de 2007) et à prendre position (« Je suis très satisfait de l’intervention des Français au Mali car elle nous aide a accéder à la liberté »), la politique ne saurait le détourner de son « devoir de musicien : chanter l’Afrique dans ce qu’elle a de plus joli et faire connaître les problèmes qu’elle rencontre ».

À Sochaux, à la Mals, mardi 1er avril

03 81 94 16 62

www.mascenenationale.com

À Dole, à La Commanderie, mercredi 9 avril

03 84 86 03 03

www.scenesdujura.com

À Haguenau, au Théâtre, mardi 15 avril

03 88 73 30 54

www.relais-culturel-haguenau.com

www.salifkeita.net

 

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