L’Inops de l’Homme

Photos de Dan Ramaen

Quel monde souhaitons-nous laisser à nos enfants ? Telle est la question universelle posée par Clément Dazin dans Inops, sa dernière création de danse acrobatique, d’où émerge le constat d’une impuissance mondiale choisie.

Inops – qui signifie impuissance en latin –, c’est l’humanité dans toutes ses contradictions. L’humanité capable du pire comme du meilleur, à la fois fragile et robuste, soumise et résistante, inventive et destructrice. L’humanité face à sa surpuissance, celle qui la transporte au-delà des frontières terrestres, et à son impuissance, incapable d’édifier un monde meilleur. À travers les arts du cirque, Clément Dazin conduit ce constat d’urgence au théâtre. Et réveille les paradoxes de l’être humain par le circassien. Celui-là même, qui, en se jouant des lois du possible, rappelle que rien n’est impossible. Sur scène, quatre mille gobelets de plastique blanc empilés forment un gigantesque mur, symbole de l’obstacle à la réalisation de nos volontés individuelles et collectives. Des éco-cups réutilisables par centaines s’accumulent, transcendées d’une lumière chimérique, tantôt jaunâtre, tantôt blanche, de quoi nourrir les antagonismes écologiques.

Un paradoxe renforcé par une atmosphère sonore convoquant des sons marins ou liés à la nature, couplés aux bruits des récipients industriels chahutés sur le sol. De part et d’autre de ce “rideau de plastique”, six corps se jettent en l’air, retombent sans se briser, se contorsionnent, s’amusent avec la pesanteur. En résistance constante contre les forces de la nature, ces enveloppes de chair et de sang sont aussi enclines aux fêlures, menacées par la chute, l’échec. Ensemble, sauront-ils franchir cette frontière séparant désir et réalité, métaphore de la non-résistance ? Si à l’accoutumée, les créations de Clément Dazin ne laissent pas une grande place au texte, à l’inverse, Inops s’en empare. Partant de l’intimité des artistes en scène, les mots façonnent un discours engagé qui parle au plus grand nombre. Au travers des corps qui se tordent, s’incarne le verbe qui dénonce et condamne. Mais l’absurde et l’humour le garde de tomber dans la facilité du pathos. Une façon de prendre du recul sans tomber dans la moralisation. Se compose une chorégraphie à la fois sincère et touchante évoquant un monde qui, en raison de son incapacité à se souder, s’engage dans la voie de l’autodestruction. Alors, que faisons-nous pour résister au chaos ? Quel monde souhaitons-nous laisser à nos enfants ?


À La MAC (Bischwiller) mardi 10 mai
mac-bischwiller.fr

Au Maillon (Strasbourg) du 12 au 14 mai
maillon.eu

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