Les 120 journées

Photo de Benoît Linder pour Poly

À la Galerie Ritsch Fisch, se déploient les univers de l’artiste strasbourgeois Antoine Bernhart. Dérangeants ? Extrêmes ? Excessifs ? Ils sont tout cela à la fois, conférant à l’adjectif “underground” tout son sel.

Exposition interdite aux moins de 18 ans où certaines œuvres sont susceptibles de heurter la sensibilité des visiteurs : celui qui pousse la porte de la galerie est prévenu par un panonceau. Pourtant Antoine Bernhart n’a « jamais cherché à choquer, à construire une carrière sur le scandale. Je ne fais pas d’efforts pour être attiré par l’extrême, c’est mon monde, depuis tout petit. » Éloigné des circuits of ciels de l’Art – même si on l’a vu au Mamco de Genève ou dans des exposition comme Rigor Mortis au Musée Tomi Ungerer – il semble s’en moquer, à l’aise dans l’underground et plus précisément l’ero guro, mouvement japonais né dans les années 1930 où se mêlent sexe et violence dans une orgie trash et macabre pimentée de grotesque, dont les plus éminents représentants se nomment Suehiro Maruo ou Shintarō Kago. Devant les œuvres du plasticien, on pense aussi à Sade – « Un choc, on n’en ressort pas indemne » –, Bataille ou Kafka.

« Les images me tombent dessus de manière inconsciente : j’ai toujours un carnet sur moi. Lorsque quelque chose arrive, c’est extrêmement précis. Je note tout. J’ai au moins 500 dessins non réalisés », affirme
Antoine Bernhart qui oscille sans cesse entre Eros et Thanatos « ouvrant une porte vers d’autres mondes ». Les visions sont crues, éclaboussées de sang, de merde, de foutre, de cyprine… Une majorette nipponne en bottes lacées blanches se fait lécher l’anus par un type au teint livide, tandis qu’un cochon au vit turgescent les regarde, un fouet à la main, prêt à frapper. Une femme est allongée sur le sol, visiblement inconsciente, morte peut-être, ligotée selon les strictes règles du shibari. Dans une orgie monstrueuse, une participante défèque, tandis qu’un homme dont la tête à la semblance d’une monstrueuse excroissance masturbe frénétiquement son sexe trapu et qu’une autre fille s’introduit un truc organique dans le vagin. Le trait est précis, caracole sur le papier : il faut explorer avec attention les dessins – comme dans un tableau de Bosch – pour en saisir tout le suc et en apprécier les détails. Requiem pour un monde de plus en plus barbare ? Prolongement dans la violence outrancière des adultes des contes pour enfants ? Catharsis et sublimation des pulsions élémentaires ? Finalement, peu importe. Les œuvres d’Antoine Bernhart nous font face dans leur brutale séduction.

À la Galerie Ritsch Fisch (Strasbourg), jusqu’au 14 février
ritschfisch.com
antoine-b.com 

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