La vie est un songe

Photo de Christophe Raynaud de Lage

La nouvelle pièce de David Lescot, Une Femme se déplace, nous convie dans les désirs d’émancipation sociale et familiale de Georgia, révélés par sa soudaine capacité à voyager dans sa propre vie, par-delà le temps.

A près le chanté Portrait de Ludmilla en Nina Simone* , David Lescot signe sa première comédie musicale. Depuis toujours, cet amoureux fou puise son inspiration et nourrit son art théâtral hybride de notes et de chansons. Il confie le premier rôle à Ludmilla Dabo – entourée de 14 comédiens, danseurs, chanteurs et musiciens –, bourgeoise dont la vie répond à tous les critères du bonheur : professeure d’université avec enfants et mari, hobbys épanouissants et reconnaissance sociale. Déjeunant avec sa meilleure amie dans un restaurant branché nommé Platitude, dédié au « fade » pour « sous-exciter » les sens gustatifs et dénicher « quelque chose derrière le rien », elle confond la buse du brumisateur de table avec une prise de téléphone. Tout, alors, disjoncte. Les catastrophes s’enchainent et mettent à mal l’idyllique tableau. Dans ce chaos soudain, Georgia a gagné le pouvoir de voyager dans sa propre vie. Sur une bande son pop, marquée par les grandes heures de la chanson française et de la soul américaine mâtinée de funk, le parlé-chanté narratif ou dialogué est du plus bel effet. Se dévoilent alors les personnages et étapes clés de sa vie : un mari timide et fuyant, un père remarié, une mère insupportable et criblée de dettes, son amour d’adolescence à jamais rebelle…

Photo de Christophe Raynaud de Lage

« J’ai toujours cru que le théâtre le plus léger et le plus drôle pouvait receler des trésors de profondeur, une acuité insoupçonnée dans l’analyse des relations humaines, une vérité sur nos désirs, nos folies, nos abîmes », confie le metteur en scène qui signe également la musique et l’ensemble des textes. Celle qui a fui tout drame, jusqu’à ne pas voir les appels à l’aide de sa meilleure amie découvre que le futur, contrairement au passé immuable, n’est jamais le même. Belle trouvaille de David Lescot s’ajoutant à l’invention du personnage de Phoebe, voisine de table qui la guide – non sans intérêt – dans son nouveau pouvoir, lui faisant expérimenter ses possibilités : revivre ses parties de jambes en l’air dans l’ordre ou supprimer son deuxième enfant ! Sans recourir à la vidéo, la scénographie fait avancer et reculer le restaurant, suggérant astucieusement les nombreux voyages temporels tandis que le travail chorégraphique donne corps à l’étrangeté textuelle gorgée d’humour (une liste incroyable sur le fonctionnement d’un GPS d’après les interrogations d’un enfant) comme à un ballet d’huissiers saisissant les meubles de sa mère, irréductible hors-la-loi. « Lorsque s’achève une pièce de Marivaux ou un opéra de Mozart, ce n’est pas l’ordre finalement retrouvé qui fait sens, c’est le souffle dévastateur qui a un instant tout déréglé, et révélé les pulsions les plus inavouables, les plus scandaleuses, et les plus vraies. » Prêts pour un voyage dans la vérité d’un être ?

Paru chez Actes Sud-papiers (13,80 €)

actes-sud.fr


À La Filature (Mulhouse), vendredi 20 et samedi 21 septembre

lafilature.org
Au Théâtre des Abbesses (Paris), du 11 au 21 décembre
theatredelaville-paris.com

* À découvrir au Théâtre des Abesses (Paris), du 13 au 21 décembre

 

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