Kaori Ito chorégraphie Waré Mono au TJP

© Gregory Batardon

Avec Waré Mono, sa première création à la tête du TJP, Kaori Ito s’inspire du kintsugi pour un duo sur nos failles humaines.

De leurs blessures d’enfance sont nées deux lettres écrites par Kaori Ito et Issue Park, point de départ de cette nouvelle pièce inspirée de l’art japonais de réparation d’objets en céramique avec de la laque saupoudrée de poudre d’or. Sublimer ses cicatrices, trouver sa voie dans un rituel de résilience convoquant l’enfance. Autant d’élans nourrissant la présentation d’une étape de travail à laquelle la chorégraphe nous conviait, en septembre, à une poignée de semaines de la première de Waré Mono. Sur scène, des enfants dessinent à la craie. Dans un coin, Kaori Ito est assise, pensive, devant une marionnette. Au milieu, le b-boy Issue Park patiente, regard dans le vague. À la disparition des bambins, le duo débute un jeu de grimaces et de corps-à-corps formant une bête à huit membres sur les traces laissées au sol. Ici et là, des soubresauts se font tremblements secouant les interprètes. D’étranges et inquiétants rictus apparaissent, de vrais-faux assauts les voient se défier dans des jeux d’enfants où la violence, tapie en chacun de nous, affleure. Comme saute aux yeux la peine de l’agresseur et les sentiments contradictoires qui nous traversent.

Kaori Ito
Kaori Ito : Waré Mono © Gregory Batardon

Dans ses créations, l’intimité est projetée sur les planches, au centre d’un processus de mise à l’épreuve de la danse. Dans une sorte de sortilège de conjuration, les deux êtres font preuve d’une virtuosité des sauts, chutes, désarticulations et isolations des membres jamais démonstratives, toujours à l’écoute de l’autre. L’air est rapidement chargé de tension, d’une densité qui oppresse. Se tisse un fil discret, menant de l’androïde démembré de son autofiction Robot, l’amour éternel (21-23/03/24 au TJP, dès 6 ans), réflexion sur son éparpillement de créatrice aux quatre coins du monde, à la marionnette de Waré Mono, dont les morceaux démontés – écho aux bouts cassés de soi – forment un autel immuable au temps qui passe. Elle retrouve l’ancrage de la terre et la vie grâce à la nature réenvahissant ses anfractuosités. « Pour moi, c’est une sorte de temple, comme ceux qui sont très présents en Asie où l’on vient régulièrement prier. Il se pare de fleurs et de dorures », confie-t-elle. Les salutations qu’ils lui dédient forment « une cérémonie au cours de laquelle nos corps deviennent métaphoriquement la marionnette. » Ce rituel de réparation floute les frontières entre deux mondes qui se contaminent, présent et passé. Une composition k-pop de La Chica et François Caffenne offre une respiration délirante de joie, dans une libération voyant Issue danser avec une version dorée de la tête marionnettique devant son propre visage, exorcisant ses failles, ses peurs. Si la fin du spectacle reste à inventer, cheminer avec ses démons intérieurs permet de les effacer, de les traverser et à la vie de poursuivre son cours.

Kaori Ito : Waré Mono © Anaïs Baseilhac

Au TJP grande scène (Strasbourg) du 8 au 14 novembre (dès 6 ans)
tjp-strasbourg.com

> Garderie artistique pour les enfants dès 4 ans, 11/11 (sur réservation)

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