The Times They are a Changin’

Photo d’Elizabeth Carecchio

Avec Ça ira (1), fin de Louis, relecture de la Révolution française, l’auteur et metteur en scène Joël Pommerat fit un triplé aux Molières 2016, renforçant un peu plus son immense stature dans le théâtre français.

Si Ariane Mnouchkine s’était frottée à 1789 du point de vue du peuple, Joël Pommerat s’attache à rendre compte de l’invention de la politique, des disputes passionnées entre représentants de la Noblesse, du Clergé et du Tiers état. Avec une simplicité déconcertante, il nous plonge au cœur de la parole partisane, hors de toute imagerie révolutionnaire et de grandes références aux figures hantant l’imaginaire collectif. Exit les Robespierre, Marat, Danton, Hugo et autres, Louis himself n’est jamais affublé de son XVI de monarque. Cette modernisation des débats s’accompagne de costumes d’aujourd’hui, clin d’œil à l’intemporalité des discussions ayant ouvert la voie à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. L’auteur et metteur en scène s’est patiemment documenté sur les discours et autres prises de position sur la période clé allant de 1787 à 1791. De la faillite du Royaume de France, au bruit des canons de la prise de la Bastille qu’on entend, hors champ depuis les appartements de Versailles, ça parle (beaucoup), ça crie (souvent), ça s’écharpe (tout le temps), à l’assemblée du Tiers état comme à la Constituante. Il faut dire que le peuple gronde, qu’il a faim, qu’il réclame égalité et fraternité.

© Elizabeth Carecchio

Peuple d’alors & références d’aujourd’hui

Est-il assez mûr pour qu’on lui accorde plus de liberté s’interrogent les uns ? Les morts résultants des échauffourées ne sont-elles que des dérapages acceptables comme l’affirment les autres ? Au public de se forger son avis dans cette agora scénique épurée à laquelle il assiste comme une masse silencieuse de représentants invités aux débats. Le changement point, gomme les individualités et les récits intimes, au profit de ce qui dépasse : le bien commun, l’invention d’une nouvelle ère dont les préoccupations sonnent étonnement proches des nôtres. Certaines figures semblent familières. Des airs de diatribe frontale à la Morano, une posture royale à la Ségolène, Arno chantonnant Brel et, déjà, une déconnexion des élites d’avec le peuple. Bien sûr, le travail de langue, très actuelle, permet d’entendre comme rarement les rhétoriques s’opposant et se nourrir de clichés. Rien de neuf sous le soleil se dirait-on si, dans ce refus du fantasme du peuple et des élites héroïques habituelles divisées en bons et méchants, ne s’appréhendait d’une toute nouvelle manière les événements, le rôle des débats dans le creuset de ce qui fonde notre démocratie, comme ses impasses. Un théâtre collectif refondant le roman de notre fierté nationale, cela vaut bien 4h30 (entractes inclus) de spectacle !

Au Maillon-Wacken (Strasbourg), du 15 au 17 février
maillon.eu
Depuis La Filature (Mulhouse), en bus, samedi 17 février, réservation au 
03 89 36 28 28

Conférence « Des révolutions américaines et françaises aux révolutions du printemps arabe », mercredi 14 février à 20h30, au Centre Emmanuel Mounier (Strasbourg)
Entrée libre sur réservation à centremounier@gmail.com

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