Jean Bellorini sonorise Onéguine

Jean Bellorini : Onéguine © Pascal Victor

Jean Bellorini invente un dispositif de casques et micros pour conter le chef-d’oeuvre de Pouchkine, Onéguine, au souffle près.

Des bougies, des chandeliers, quelques chaises. Une table, un piano, un violon. Rien de plus qu’une allée étroite entre deux gradins de spectateurs se faisant face dans une intimité renforcée par les casques revêtus par les cinq comédiens et les spectateurs. Les 5 523 vers de ce roman d’Alexandre Pouchkine, paru en 1833, André Markowicz a mis de longues années à s’autoriser à les traduire. S’y joue une page du romantisme russe, à laquelle la vie de l’auteur est attachée. Eugène Onéguine, jeune aristo en vogue à Saint-Pétersbourg, quitte la ville pour la maison de campagne dont il vient d’hériter, à côté de celle de Lenski, poète ardent. Sur les bords de la Neva, un drame va se jouer, susurré au creux de l’oreille d’un public plongé dans un conte, porté par l’imaginaire d’un roman-fleuve. Entre choeurs et chuchotements, Tatiana trône au centre, pièce maîtresse, avec sa cadette Olga dont l’écrivain a confié au nouveau venu être totalement fou, du déchirement des deux amis. L’ainée, éconduite par Onéguine lors de sa fête d’anniversaire, l’observe charmer sa soeur. Par jeu ? Provocation ? Supériorité d’esthète et de classe ? Simple folie ou passe-temps risible ?

Jean Bellorini : Onéguine  d'après Alexandre Pouchkine
Jean Bellorini : Onéguine d’après Alexandre Pouchkine

Jean Bellorini se plait à amplifier la vitalité débordante du roman d’un auteur dont la trajectoire flamboyante s’écrit en double du destin et de “l’âme russe”. En 1837, Pouchkine, condamné à l’exil depuis une dizaine d’années pour ses pamphlets contre le tsar Alexandre Ier, est contraint à la vie loin des siens, dans des provinces reculées. Pris d’envies suicidaires mais fervent chrétien, il provoque en duel à tour de bras sans trouver quiconque pour oser s’attaquer à cette figure dominante des lettres, jusqu’à tomber sur le bon idiot, comme le décrit André Markowicz. Il meurt à 37 ans et accède au statut de mythe. Quarante ans plus tard, Tchaïkovski lui consacre un opéra dont sont ici utilisés des extraits revisités par Sébastien Trouvé, fidèle compositeur du directeur du TNP à Villeurbanne. La sombre rêverie nocturne – qui a tout de la veillée funèbre – aboutira au duel fatidique mettant aux prises Onéguine et Lenski. Entre parties chorales et confidences chuchotées au creux de l’oreille, se déchire l’insouciante ambiance de bals, de fête et d’alcool émaillant la vie monotone de la campagne. Chacun y apprend avec douleur la vanité de l’existence et fait face à ses illusions perdues.


Au Théâtre Dijon Bourgogne du 3 au 7 avril (à partir de 15 ans)
tdb-cdn.com

vous pourriez aussi aimer