Girl power

Photo de Liswaya

Rythmes soutenus, textes puissants et gestuelle tendue. Avec Toï Toï, Suzane a dynamité l’electro pop française en 2020. Entre festivals et concerts, son retour sur scène fait des étincelles.

Que représente pour vous le retour à la scène après des mois d’arrêt ?
C’est la fin d’une longue attente, comme quand on fait la queue à Disney avant de monter dans le manège ! [Rires] J’ai hâte de vivre tous ces rendez-vous manqués. Cela va être un moment unique : celui du retour à la fête et à la joie. Place aux sensations fortes !

Pour vous, la scène est aussi le lieu d’un rapport singulier au corps. Il émane de votre gestuelle quelque chose de guerrier…
La scène, c’est beaucoup d’émotions, un mélange d’envie et de peur. Elle est le ring sur lequel je dois livrer un combat, affronter mes angoisses pour arriver à faire ce que j’aime devant les autres. Je m’y engage totalement, et à la fin de ce corps-à-corps avec moi-même, je suis en transe – une transe nourrie de ce que je donne et reçois en retour du public. C’est très puissant. Je me sens comme en état d’urgence. Tout ce que j’ai dû garder en moi dans ma vie et qu’il aurait fallu que je sorte, sur scène je le vomis, l’expulse par la danse et le mouvement… jusqu’à épuisement.

Vous êtes seule face au public. C’est culotté !
C’est une revanche sur l’époque du conservatoire, quand j’étais alignée avec d’autres filles portant toutes le même chignon. Là, j’ai le droit de me tromper sans que ce soit le drame. C’était important de ne pas être prisonnière d’une chorégraphie millimétrée pour proposer des choses spontanées, sans toujours être nécessairement esthétique. Je suis dans l’énergie pure : je veux donner de moi aux autres, lâcher prise, pour que le public aussi se laisse aller. C’est en sortant des cadres qu’on atteint la transe.

Photo de Liswaya

Aux Victoires de la Musique 2021, vous avez interprété L’Appart Vide évoquant un couple homo-sexuel. À l’unisson, les discours politiques d’Yseult et de Pomme ont mis en lumière une nouvelle génération de chanteuses qui n’a pas peur de prendre la parole sur les grands sujets de société…
La scène française féminine actuelle est très puissante. Beaucoup de femmes ont des choses à dire et s’expriment. Je suis fière d’en faire partie ! Chaque génération a fait émerger des courants artistiques qui tous ont décrit leur époque. La nôtre, me semble-t-il, est plutôt sombre. Depuis petite, j’entends parler de la crise (économique, géo-politique, climatique, etc.). On est les héritiers d’un monde qui, globalement, part en fumée. Sur les réseaux sociaux on voit la forêt amazonienne brûler au Brésil, on assiste à la mort de George Floyd étouffé sous le poids d’un policier Blanc, on est témoins du génocide des Ouïghours en Chine, on découvre en direct la maltraitance animale dans les abattoirs… Et je ne parle pas de la question de l’égalité entre hommes et femmes dans la France de 2021 ! Notre génération ne peut être que révoltée.

L’engagement fait-il partie de la mission de l’artiste ?
Je ne me sens pas engagée, juste concernée par ce qui se passe autour de moi. Je fais le portrait du monde qui est le mien, celui d’une planète qui suffoque (Il est où le SAV ?), celui du harcèlement quotidien des femmes (SLT), de la dépendance aux smartphones (Monsieur Pomme) ou de l’homosexualité féminine (Anouchka). Certains peuvent ne pas être d’accord, mais si d’autres s’y retrouvent, ça me suffit. Et si je peux susciter un débat sur certaines questions de société, alors tant mieux !

Même s’il aborde des sujets anxiogènes, Toï Toï II (réédité début 2021, augmenté de cinq titres) reste lumineux, et dansant…
J’aime le clair-obscur. Même si j’aborde des choses assez sombres, j’essaye de garder un message d’espoir, d’acceptation de soi et de respect de l’autre. Quand j’écris P’tit gars, le récit tragique d’un coming out, c’est pour qu’à la fin ce garçon se sente moins seul en l’écoutant et garde espoir. Ce n’est pas non plus pour fustiger les parents ayant mal réagi à l’annonce de l’homosexualité de leur enfant, mais plutôt pour leur faire prendre conscience de la violence de certains propos. La musique est un outil formidable pour adoucir les mœurs, plus efficace que n’importe quel discours.

Qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ?
Je suis en boucle sur l’album Cold Fact, de Sixto Rodriguez. Et puis Diam’s, toujours. À l’ancienne ! [Rires] Côté musique actuelle, il y a Clara Luciani, et le très énergique M*ther F**k de Jul et SCH. J’aimerais assez tenter un duo avec Jul – un garçon du Sud lui aussi, qui travaille beaucoup. Ça pourrait donner quelque chose d’assez épique !

Des projets ?
Il y en a beaucoup, malgré le contexte. Notamment un concert en livestream à la Mer de Glace, ce lieu qui souffre tant du réchauffement climatique. Et puis continuer d’écrire, pour sortir peut-être un deuxième album…


En tournée
À Décibulles (Neuve-Église), dimanche 11 juillet decibulles.com
Aux Nuits de Fourvière (Lyon), jeudi 29 juillet nuitsdefourviere.com
À La Laiterie (Strasbourg), mercredi 29 septembre artefact.org
À la Rockhal (Luxembourg), mercredi 6 octobre rockhal.lu
À La Maison de la Culture de Nevers Agglomération, vendredi 8 octobre maisonculture.fr
À La Halle Verrière (Meisenthal), samedi 11 décembre halle-verriere.fr

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