Frédéric Bélier-Garcia est Sur la côte sud à La Comédie de Reims

© Thierry Bonnet

Frédéric Bélier-Garcia s’empare d’une courte pièce de Fredrik Brattberg, Sur la côte sud dans une création disséquant l’impossible bonheur familial. Interview.

Un couple avec leur fille – dont on n’entendra pas un mot – débute ses vacances dans la maison des grandsparents, au bord de mer. Mais, très vite, cela devient irrespirable…
C’est le début des vacances et tout le monde ne cesse d’exprimer le bonheur d’être là, ensemble. Sauf que Marcus, le père, met tout cela en danger en souhaitant aller explorer la côte sud avec sa fille. Les personnages sont comme infectés par une conscience naissante du souci qui va arriver. Ils tentent de le retarder en le faisant culpabiliser, évoquant la santé fragile de la grand-mère, ou le recours à un traiteur pour des repas déjà prêts.

Quelle liberté prenez-vous avec la scénographie ?
Avec Brattberg, le décor est rapidement irreprésentable : les personnages se baignent à chaque scène, prennent une voiture, se perdent en forêt… un vrai challenge. Nous figurons une villa au bord de l’eau, un peu comme une maquette. L’eau, la terrasse et les extérieurs sont résumés à leur élément premier.

Frédéric Bélier-Garcia © Christophe Delestrade
Frédéric Bélier-Garcia © Christophe Delestrade

Cette satire de la famille oscille entre comédie catastrophe et grotesque monstrueux. Choisissez-vous une couleur plus qu’une autre ?
Le processus de rembobinage de l’histoire produit en effet de la comédie et du drame, car les enjeux se durcissent au fur et à mesure. On pourrait prendre cet objet comme une comédie, un drame existentiel, un polar ou un jeu de complicité avec le public. Sa matrice est très libre et nous en jouissons à chaque reprise, au début, pour produire un autre type d’attention du spectateur, qu’il soit attentif à autre chose.

La volonté d’amour exclusif de cette enfant rend le bonheur impossible…
Sur la côte sud possède une certaine tendresse propre à la comédie tout en s’attaquant à l’impossible désir grégaire du bonheur d’être ensemble. Ce bonheur familial est pourtant claironné, mais il se déchire, fracturé par le besoin de solitude de chacun.

Brattberg était compositeur avant de se tourner vers le théâtre. Sa pièce est comme une fugue : une fuite, une poursuite par l’entrée successive des voix sur la reprise d’un même thème…
C’est très juste, il écrit comme sur partition, des scènes répétées dans une structure en échelle. D’abord la scène A, puis la A et la B, puis la A, la B et la C… Entendre plusieurs fois les choses apporte une émotion différente, une impression de modification subtile qui devient, lors des cinq retours au départ, énorme. Cette manière qu’il a de creuser un sujet par la variation est vertigineuse. Un peu comme Un Jour sans fin. On pourrait croire que cet auteur étrange, issu de la nouvelle génération de dramaturges norvégiens, parodie l’image que nous avons de ses illustres aînés (Ibsen, Fosse…), alors qu’en fait il est plus original que cela.

Frédéric Bélier-Garcia
Frédéric Bélier-Garcia

À La Comédie de Reims du 7 au 13 octobre (à partir de 15 ans)
lacomediedereims.fr

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