The girl from favela : Flavia Coelho s’exprime sur son 4e album DNA

Flavia Coelho DNA © Youri Lenquette

Entre claviers chaleureux et percussions solaires, la brésilienne Flavia Coelho balance avec DNA son “bossa muffin” à la figure de Bolsonaro. Rencontre avec une joyeuse indignée.

Votre 4e album s’intitule DNA, “ADN” en anglais. S’agit-il d’un retour aux racines ?

Plus que d’héritage, c’est de métissage que parle essentiellement ce disque. L’hybridation est en effet le principe même de ma démarche. C’est le fil conducteur de ma musique, le “bossa muffin” : un mélange des musiques traditionnelles brésiliennes que sont le forró, la samba et la bossa nova, avec des rythmes contemporains venus d’Afrique ou des Caraïbes, du reggae à la cumbia, en passant par la pop et le hip-hop.

Il y est beaucoup question de votre pays…

Le Brésil est dans mon ADN, c’est vrai. J’étais en pleine écriture quand, à l’automne 2018, Jair Bolsonaro a remporté la présidentielle. Cela m’a beaucoup touchée de voir le retour de l’extrême droite au pouvoir et les persécutions qui allaient s’ensuivre pour les minorités dont je suis issue. Impossible de ne pas en parler. Il fallait que je crie mon indignation et rappelle, à l’heure de la division, l’importance du métissage.

Est-ce une posture nouvelle ?

Je suis née à Rio de Janeiro, d’un père noir et d’une mère blanche. J’ai grandi dans une favela : cet engagement fait partie de ma vie, de mon histoire. Je parlais déjà des problèmes sociaux dont souffre mon pays avant, même si j’utilisais un langage plus métaphorique. Cette fois, j’ai décidé d’user de mots plus directs, dire les choses comme elles sont, même si ça fait mal.

Comment vous est venue la chanson Cidade Perdida ?

C’est sans doute la chanson la plus virulente que j’ai écrite. Elle dit tout ce qui ne va pas à Rio, cette cité magnifique et pourtant “perdue” par la violence qui y règne, les inégalités, la corruption, la mainmise de la mafia. Ce n’est pas pour rien si le populiste Bolsonaro y a établi son fief, le “cabinet de la haine” comme on l’appelle là-bas.

Flavia Coelho, DNA, Cidade Perdida

La musique est-elle un moyen d’éveiller les consciences ?

Bien sûr, mais pas seulement ! C’est aussi un moyen de s’échapper de la réalité, de mettre du soleil dans nos vies et de garder le sourire, y compris quand on a du mal à joindre les deux bouts. Je crois que, pour beaucoup de mes compatriotes, elle permet de transcender la douleur.

Comment le disque a-t-il été accueilli au Brésil ?

Il y a de bons retours… et aussi des attaques de haters pro-président sur les réseaux sociaux. Mais ce n’est pas le plus important. Il s’agissait avant tout pour moi de consigner mes pensées sur l’époque, garder la mémoire de ce moment de l’histoire, pour pouvoir plus tard me regarder dans une glace sans honte ni remords.

Gardez-vous encore espoir ?

Bien évidemment ! Les Brésiliens ne lâchent jamais rien. Il y a toute une partie du pays qui se bat pour défendre l’État de droit, la culture, les minorités, etc. Je crois très fort en mon peuple.


Au PréO (Oberhausbergen), jeudi 13 janvier
le-preo.fr

Édité par Le Label / [PIAS]
fr.flaviacoelhomusic.com

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