Electro libre

Photo de Dan Medhurst

Figure de proue de la musique expérimentale contemporaine et pilier du clubbing londonien, compositeur exigeant et docteur en neurosciences, Floating Points séduit autant qu’il déroute, entre souffle lyrique et bruissements hypnotiques.

Sam Shepherd (alias Floating Points) est un électron libre. Mieux, c’est un libre-penseur de l’electro ! Depuis la sortie de son premier et brillant album Elaenia en 2015, le Britannique de 35 ans, docteur en neurosciences et spécialiste d’épigénétique de la douleur, produit une musique finement élaborée et précise, au croisement des sons numériques, du jazz et du classique. Repéré au début des années 2010 pour ses sets de DJ au mythique Plastic People, ce pilier du clubbing londonien a pourtant d’abord fait ses armes… dans la très acoustique cathédrale de Manchester. Fils de pasteur anglican, Mancunien de naissance, Shepherd est en effet formé dès l’enfance au piano classique, s’intéressant très tôt à la composition : Chostakovitch d’abord, puis Debussy et Messiaen (en particulier l’extraordinaire Quatuor pour la fin du Temps) – dont les accents impressionnistes le portent vers les rives improvisées du jazz. Au lycée, il se passionne pour le répertoire contemporain. Les expérimentations atonales de Varèse ou Stockhausen et les pionniers de la musique concrète le conduisent à l’electro. En résulte chez cet artiste aussi exigeant qu’ambitieux une furieuse envie de ne jamais se laisser limiter par un genre. Ouvrir des portes, sans cesse.

Pour son dernier opus, Promises (sorti en mars), le compositeur a invité rien moins qu’une légende du free jazz, le saxophoniste Pharoah Sanders (qui joua avec Coltrane – John bien sûr, mais aussi Alice) et le London Symphony Orchestra à articuler sa vision d’une grande œuvre multiforme. Cinq ans de travail pour un album simplement sublime. Composé d’un seul morceau de 46 minutes divisé en neuf mouvements, où un simple motif mélodique évolue sur des orchestrations nuancées de piano, d’orgue et de parcimonieuses nappes psychédéliques, il se dégage de ce disque une puissante sensation de béatitude. Le souffle calme et habité du maître Pharoah Sanders, figure majeure du “spiritual jazz”, monte et descend comme la marée. Ses vocalises sans paroles, chuchotées dans le quatrième mouvement, préparent doucement l’auditeur à la pâmoison… qui arrivera au sixième, avec l’entrée en scène des cordes du LSO. Promises est à l’image de la quête que semble poursuivre Floating Points, dans ses disques comme dans ses DJ sets voués aux danses extatiques – à l’instar de celui qu’il livrera à Bâle. C’est une envolée méditative, une transe cosmique, un voyage dans l’intime, entre exubérance et accalmie. Grisant.


Au Polyfon Festival (Bâle), du 12 au 14 août
polyfon.ch

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