Dessine-moi une maison

Parcours à bicyclette, projections de films, conférences données par des lauréats du Prix Pritzker, concours de maquettes pour les plus jeunes ou visites de chantiers pour tous… : avec la seizième édition des Journées de l’Architecture (JA), la MEA – Rhin supérieur imagine de nouvelles perspectives.

Après la couleur et la lumière, la Maison européenne de l’architecture – Rhin supérieur a à nouveau opté pour une thématique volontairement ouverte pour les JA 2016 : Architecture en perspective. Toujours dans un désir de rendre l’art du bâti accessible à tous les publics, petits et grands, amateurs avertis ou simples curieux, cette manifestation irrigue une vingtaine de villes alsaciennes, du Bade-Wurtemberg et des cantons bâlois avec près de 200 événements. Désormais sur un territoire élargi (la région Grand Est), la MEA regarde encore davantage vers l’horizon (notamment en renforçant ses rapports avec ses homologues de Lorraine et de Champagne-Ardenne) tout en continuant à développer des temps forts transfrontaliers comme l’Exposition trinationale, itinérante dans une douzaine de cités. Celle-ci rassemble quelque 38 réalisations récentes, « un panel d’exemples du savoir-faire architectural actuel dans le bassin rhénan », pour Céline Metel, directrice de la MEA. Des constructions sélectionnées parmi 110 projets par un jury des trois pays. Il s’agit de programmes hétéroclites : le Jazz Campus à Bâle (Buol & Zünd), une maison individuelle à Rodersdorf (Berrel Berrel Kräutler AG) ou la Salle des fêtes de Kirrwiller (Heintz et associés). À propos de cette dernière, Georges Heintz précise : « Il s’agit très certainement du coût le plus bas au m² pour un édifice public en Alsace, avec vue sur deux clochers et le Royal Palace que j’affectionne particulièrement pour son style pompéien glamour hopla ». La preuve qu’on peut réaliser des bâtisses “modestes” – et nettement moins bling-bling que le music hall alsacien – mais ambitieuses. L’archi a choisi de présenter ce projet car « il est simple et géométrique, mais on y a introduit des courbes dont le staccato crée la perspective et “donne de la cuisse” de manière savoureuse. La perspective, c’est contester Dieu car les lignes de fuite mènent à l’individu : l’homme devient le centre du monde ! »

Bernardas Convent Eduardo Souto de Moura

Le dessin

L’expo présente les constructions des équipes lauréates sur une série de panneaux présentant textes, photos, plans et esquisses livrant les secrets de la genèse des projets répondant à la thématique. Pour Céline Metel, celle-ci « permet de revenir aux bases de l’architecture avec la question du dessin : pour penser une bâtisse avant qu’elle n’existe, il faut la réaliser sur un plan en deux dimensions. C’est un jeu d’optique. » Et de rappeler qu’il y a encore quelques années « tout le monde travaillait au crayon, mais l’idée romantique de l’architecte œuvrant seul devant son papier Canson n’existe plus trop, même si certains, comme Christian Paradon qui a un stock de 20 000 croquis, sont de grands dessinateurs. » Citons encore Eduardo Souto de Moura – dont la conférence va ouvrir les festivités –, Prix Pritzker 2011 faisant naître ses projets d’une succession de croquis, comme tout bon élève d’Alvaro Siza Vieira (Pritzker 1992), maître du dessin diplômé de L’École supérieure des Beaux-Arts de Porto. Pour Christian Plisson*, architecte et président de la MEA nous vivons une révolution : « Jusqu’il y a quelques années, les archis travaillaient exactement comme les Égyptiens avec un papyrus (une feuille) et un pinceau (un crayon). L’informatique est arrivée timidement, mais les logiciels se sont développés et ils se sont retrouvés avec un outil certes performant, mais qui a tendance à les déposséder du dessin. On sait inventer des formes très complexes, très belles comme chez Gehry, mais aussi créer des objets quelconques, des logos. Le dessin manuel, le croquis perspectif de l’architecte est important car c’est le média le plus instantané pour matérialiser une idée sur un support. Ses croquis d’intention renferment toute sa sensibilité et toute sa perception multi-sensorielle de l’espace. »

Bernardas Convent 2 Eduardo Souto de Moura

Le dessein

Bienvenue dans l’ère du dessin assisté par ordinateur, des palettes graphiques, de la maquette numérique et la 3D… Des évolutions du dessin d’architecture sujettes à un focus particulier durant cette édition conviant des créateurs ouvrant bien des perspectives. Alexandre Chemetoff, par exemple. Le Grand Prix de l’Urbanisme en 2000, célèbre pour ses reconversions de friches industrielles, est responsable du réaménagement L’Île de Nantes : un fécond dialogue entre la cité et la Loire, l’environnement et la ville, l’urbanisme et les éléments naturels, dans une démarche résolument pluridisciplinaire. Chargé d’étude pour la transformation de l’ancien site de la Coop au Port du Rhin à Strasbourg, il donnera une conférence à Mulhouse, ville industrielle riche en friches (DMC), autant de territoires à réinvestir, de zones sans vie à réactiver dans un avenir proche. Selon Christian Plisson, « la perspective nous projette dans le futur, propose une vision du monde. Elle ouvre de nouveaux espaces, encore inconnus, dans des directions multiples. » Vivement demain.

En Alsace, dans le Bade-Wurtemberg et le canton de Bâle, du 30 septembre au 04 novembre

www.europa-archi.eu

À ne pas manquer

– Le Bal des architectes, en lien avec les festivités liées à l’ouverture du pont qui accueillera la première ligne de Tram franco-allemand, vendredi 23 septembre à la Villa Schmidt de Kehl

– Soirée d’ouverture avec Eduardo Souto de Moura, vendredi 7 octobre, Zénith de Strasbourg

– Conférence d’Alexandre Chemetoff, jeudi 13 octobre à L’Université de Haute-Alsace de Mulhouse

– Visite et conférence avec Rudy Ricciotti, architecte de la nouvelle Bibliothèque Humaniste (voir Poly n°188 ou sur www.poly.fr), mercredi 19 octobre à Sélestat

– Conférence de Vladimir Plotkin au Conseil de l’Europe, vendredi 21 octobre à Strasbourg

– Ateliers de croquis dans différentes villes, voir le programme détaillé sur le site des JA

– Soirée de clôture avec Christian de Portzamparc (premier français à obtenir le Pritzker, en 1994), vendredi 4 novembre au Karlsruher Institut für Technologie (KIT) de Karlsruhe

– Cet automne, découvrez le site Internet et son application Archi-News, qui regroupent l’intégralité des Maisons de l’architecture, dans le Rhin supérieur, et au-delà

 

 

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