Deal au Point d’Eau : Koltès revisité

© Benoît Thibaut

Les circassiens Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde s’attaquent à la langue de Bernard-Marie Koltès. Deal ou l’histoire d’une (im)possible rencontre.

Deal, une réécriture de Dans la solitude des champs de coton de Koltès © Benoît Thibaut

L’un est équilibriste, l’autre acrobate. Formés au Centre national des Arts du Cirque de Châlons-en Champagne, ils ont plus que flirté avec la danse contemporaine ces 15 dernières années (Sidi Larbi Cherkaoui, Rachid Ouramdane, François Verret…), sans renier leur pratique d’origine, que ce soit dans leurs propres pièces ou pour Zimmermann & de Perrot. Si le duo s’empare de Dans la solitude des champs de coton – « un monument du théâtre dont Dimitri avait vu la mise en scène mythique de Chéreau », confie Jean-Baptiste André – c’est pour « empoigner la question de la prise de parole au cirque, en partant d’une langue âpre et folle qui nous fascinait ». Pas question de s’inventer comédiens pour autant. Avec l’aide de Fabrice Melquiot, ils coupent dans la pièce originale pour n’en conserver qu’un huitième. La rencontre entre chien et loup de deux solitudes en miroir se déroule dans un espace interlope, à la lisière de la ville. Le public est accueilli dans une scénographie totalement immersive sur plusieurs hauteurs variables d’assises en bois, dans une arène aux allures de ring en quadrifrontal où l’on ne montre plus mais se laisse voir. Avec la rouille de ses tôles froissées et ondulées, cette boite dans la boite d’un théâtre ne dépareillerait pas dans un vieil hangar désaffecté ou sur un quai de chargement déserté. Le dealer (Dimitri) et son possible client (Jean-Baptiste) sont à quelques centimètres des spectateurs, les frôlent. Chacun se voit et fait corps dans cette confrontation de personnages en quête d’altérité. Koltès lui-même parlait de son texte comme d’une « pièce de la diplomatie », dans laquelle chacun épuise les mots, au bord du combat et d’une violence qui point. Dos à dos, ils retiennent le plus longtemps possible le mystère de ce qui advient. Le désir y voisine avec une sauvagerie attaquant les corps d’artistes qui s’empoignent, roulent et luttent. « Le champ lexical de l’animalité est riche, offrant une langue très physique qui, forcément, nous parle et nous met en mouvement. Koltès nous place toujours sur la brèche, au bord de la rupture », assure Jean-Baptiste. L’ouverture et la clôture de Deal se jouent dans les mots. Entre les deux, le texte va en s’évaporant, centré sur des bribes plus éparses. Dans ces « 1 001 manières de chercher à s’accorder avec quelqu’un », comme l’analyse Melquiot, les deux créateurs-interprètes ont préféré laisser de côté l’ambiguïté sexuelle animant leurs personnages, au profit d’une « recherche sur la manière d’éveiller une question qu’un autre n’avait pas en tête, de travailler sur les faux-semblants et ce qui nous anime vraiment. »

Deal ou Koltès revisité © Benoît Thibaut
Deal ou Koltès revisité © Benoît Thibaut

Au Point d’eau (Ostwald, présenté avec Pôle Sud) du 9 au 11 octobre

lepointdeau.compole-sud.fr
Bord de scène avec Jean-Baptiste André & Dimitri Jourde, lundi 10 octobre à l’issue de la représentation

vous pourriez aussi aimer