Danse au grand air

Amala Dianor et Denis Lachaud © Delphine Micheli / Concordance(s)

Pour sauver une partie de sa saison, Pôle Sud réactive EXTRAPÔLE, temps fort dans l’espace public en organisant des retrouvailles estivales dans le quartier de la Meinau.

Plus de 200 jours de fermeture forcée depuis le second confinement ont fait d’adaptabilité et d’agilité les maîtres
mots de tous les lieux de spectacle vivant. Le Centre de développement chorégraphique national strasbourgeois n’échappe pas à la règle, lui qui a dû annuler, comme l’édition 2020, l’ensemble de son festival EXTRADANSE au printemps. Fatiguée de jouer au fil d’Ariane, sa directrice Joëlle Smadja a pris le parti du grand air afin de s’assurer de la reprogrammation de certaines pièces qu’elle accompagne d’autres, pensées par les artistes compagnons de la maison, pour composer un festival EXTRAPÔLE qui se déploiera dans l’espace urbain. Divers scénarios sont à l’étude en fonction de l’évolution des protocoles de réouverture (spectateurs assis, distanciations, jauges, etc.), les lieux prévus s’ajustant au dernier moment, quitte à se replier sur les espaces privés extérieurs de Pôle Sud (jardin, parking…).

Come-Back
Parmi les propositions artistiques à découvrir, nombreuses sont celles à se placer sous le signe de la rencontre et de fidélités artistique. Ainsi en va-t-il de Kubilai Khan Investigations, compagnie qui s’infiltre depuis de nombreuses années dans le bruit du monde. Elle décryptait avec brio, dans Tiger Tiger Burning Bright, l’accélération frénétique du rythme régissant nos vies et nos villes1. Ils reviennent avec une expérience multi-formats rebattant les cartes de la perception et du récit dansé, du rapport à l’espace comme à l’écoute. En duos variables, Jungles explore ainsi l’opposition culture / nature en inventant un plan qui écorne nos a priori à propos des formes du vivant non-humaines. Modulations Of Rhythms fait se percuter les gestes du danseur Idio Chichava et les qualités rythmiques de la percussionniste Yuko Oshima dans un dialogue habité.

Happy manif de David Rolland © Coralie Bougier

Face à face
Autre retour d’un habitué des scènes strasbourgeoises, Amala Dianor, ancien artiste associé à Pôle Sud2, interprète Xamûma Fane Lay Dëm (Je ne sais pas où je vais). Un dialogue inédit, tissé de complicités entre sa danse inspirée du hip-hop et les textes de Denis Lachaud. Le duo a été réuni par le festival Concordan(s)e de Montreuil qui commande une création à un écrivain et un chorégraphe ne se connaissant pas. Les points communs n’ont pas manqué : la pratique des arts martiaux (taekwondo et karaté), des langues étrangères et des musiques d’ici comme d’ailleurs. Le chorégraphe Julien Carlier devait présenter ses Trajectoires avec la guitariste classique Gaëlle Solal. Sur un Prélude de Bach, s’entremêlaient les mouvements tout en tensions du danseur et l’écoute inspirée de la musicienne dans une performance inhabituelle. C’est finalement avec Collapse que nous le découvriront cet été. Il y questionne les notions de construction par l’accumulation et l’effondrement. Avec l’onirisme qu’on lui connaît, se déploie et s’étire un moment de suspend précédent la bascule d’un renversement. Avec des objets en équilibre et quatre danseurs venant du hip-hop, Julien Carlier fait le pari de trouver de l’humanité dans l’écroulement.

Premier solo
Si le nom de Sarah Cerneaux ne vous dit sûrement rien, il y a fort à parier que vous l’avez pourtant déjà vue danser. Originaire de la Réunion et des Comores, elle a été l’interprète d’Amala Dianor (Trait d’union), d’Abou Lagraa, de la Liz Roche Company à Dublin ou encore d’Akram Khan, tournant Kaash, trois ans durant dans le
monde entier. Either Way, son premier solo, devait avoir lieu dans le cadre de L’Année commence avec elles, temps fort de janvier 2021 à Pôle Sud. Qu’à cela ne tienne, elle se met à peler les couches de temps et de travail déposées par d’autres qu’elle ayant façonné son corps depuis tant d’années. Elle questionne « la perte, les errements, ces petites morts qui nous créent ». S’invente une manière de se mouvoir racontant le processus qui l’habite pour se retrouver. « Either Way est aussi cette voix qui vient des tréfonds ou cette image oubliée, qui vous rattrape de justesse, lorsqu’en bout de course, le corps est prêt à lâcher, l’esprit s’affole, la logique déraille », explique celle qui entend laisser de la place au hasard et à l’impromptu. Il y aura de la gravité, de l’explosion et du rituel. Une quête de traces dans lesquelles se perdre pour se retrouver.


Dans l’espace public du quartier de la Meinau (Strasbourg), du 27 juin au 9 juillet pole-sud.fr

1 Voir Éphémère Metropolis dans Poly n°171 ou sur poly.fr
2 Lire Phéno-Meinau dans Poly n°209 ou sur poly.fr

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