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Avec Paparazzi ! Photographes, stars et artistes, le Centre Pompidou-Metz retrace un demi-siècle d’histoires de rapaces et de gibier. L’exposition met en lumière les qualités plastiques des “œuvres” des chasseurs d’images et leur influence sur l’art contemporain sans omettre de questionner la violence de cette pratique.

Clic-clac. Les flashs crépitent, un brouhaha digne des photocalls cannois retentit et des rangées d’appareils photo s’agitent nerveusement. L’installation de Malachi Farrell qui accueille le visiteur le met dans la peau d’une célébrité, incessamment harcelée. Les coupables ? Ceux qui se surnomment eux-mêmes “rapaces” ou “chacals” : les paparazzis – contraction de pappataci (petits moustiques) et ragazzi (jeunes hommes) –, terme inventé par Federico Fellini dans La Dolce Vita en 1960. Armés de leurs téléobjectifs XXL et quelque fois travestis, masqués ou revêtus de tenues de camouflage, ils usent de tous les stratagèmes pour capturer l’intimité de leurs victimes (parfois consentantes) prénommées Liz, Brigitte, Jackie, Caroline & Stéphanie… Pour Clément Chéroux, commissaire et conservateur au Centre Pompidou, dans l’imaginaire collectif, le paparazzi, « personnage dénué de morale », est le « double négatif du reporter de guerre qui défend une conception de la vérité. Bien sûr, les choses sont bien plus complexes… », dit-il en rappelant notamment que le très respectable Raymond Depardon, à ses débuts, se chargeait « des basses tâches », celles « des rubriques chiens écrasés et people ».

Une pratique violente

Il n’est pas question de faire passer des vautours pour des anges, les paparazzis obtenant leurs clichés « à l’arraché, clandestinement ou, en tout cas, illégalement, et sans aucun égard pour la préservation de la “face” de celui qui n’est plus tant leur sujet que leur victime », rappelle la sociologue Nathalie Heinich dans le catalogue. L’exposition, qui ne pouvait faire l’impasse sur le tragique épisode Lady Diana (morte en 1997 à l’issue d’une course-poursuite avec des paparazzis), exhume notamment une photo funèbre de Bismarck, dérobée dans la chambre du défunt en 1898 (mais parue sous forme de gravure “édulcorée”) par un duo peu scrupuleux.

Photos volées des princesses de Monac’, de Britney sans culotte ou de Jackie Onassis tutta nuda à l’appui, Clément Chéroux insiste sur une « pratique genrée. Dès les débuts, les paparazzis sont des hommes et la plupart de leurs proies sont des femmes : c’est symptomatique de la violence des médias et de notre société à l’égard des femmes. » Si une connivence s’établie parfois entre traqueurs et gibier (comme on le voit, déjà, dans une photo de 1931 où Aristide Briand désigne du doigt Erich Salomon, un des pionniers du genre), le photographe people est bien souvent rejeté, voire maltraité par les célébrités. Une magnifique image de 1960, signée Marcello Geppetti, quasi onirique, montre l’actrice suédoise Anita Ekberg menaçant les paparazzis avec son arc, prête à décocher une flèche.

Une esthétique qui fait des émules…

Un peu plus loin, une série dévoile Jack Nicholson fou de rage, brandissant un club de golf… sauf qu’il s’agit d’un fake, un projet artistique d’Alison Jackson, une reconstitution, avec sosie, d’une scène caractéristique de celles qui remplissent la presse à scandale. « Depuis les années 1960 et notamment avec le pop art », rappelle Clément Chéroux, « les artistes se sont intéressés à l’esthétique paparazzi ». Une sérigraphie de Richard Hamilton (Release, 1972) représente le leader des Stones se cachant le visage (leitmotiv dans les images dérobées) dans une voiture (véritable « piège à stars » selon le commissaire) : une œuvre inspirée par une photo de John Twine parue dans The Daily Sketch en 1967. Pour la série Pictures of a Family (1996), le plasticien suédois Ulf Lundin a suivi et photographié, de loin, une famille modèle, sans histoires. Les “effets paparazzi” font planer une véritable tension sur ces images on ne peut plus banales. Avec le téléobjectif, utilisé par les chasseurs de scoops, les plans de l’image sont écrasés, « comme si les stars habitaient dans un monde plat, sans relief. Beaucoup d’artistes vont l’utiliser » afin de s’approcher de cette esthétique particulière qui confère une dimension dramatique aux images.

… mais qui s’est appauvrie

À l’issue de l’exposition, un constat s’impose : entre les splendides images des années 1940 de Weegee, celles de Daniel Angeli (traqueur d’Elizabeth Taylor ou de Brigitte Bardot), de Jean Pigozzi (où l’on découvre notamment un Jagger énervé et un Schwarzenegger riant, pris à Antibes en 1990), et les clichés flous et mal cadrés que l’on trouve aujourd’hui au kilo dans Voici, Paris-Match ou Closer… y’a pas photo. Clément Chéroux acquiesce, nous glissant qu’« actuellement nous sommes dans ce que Depardon appelle une “photographie des temps faibles”, c’est à dire anti-spectaculaire, qui est uniquement là pour attester d’un moment. » Ou d’un fait : exemple, la liaison François H. / Julie G. « Du point de vue esthétique, elles sont beaucoup plus pauvres que celles qui résumaient une situation en un seul cliché, représentant ce que Cartier-Bresson appelait des “instants décisifs”, des images clefs, montrant l’acmé d’un événement. »

À Metz, au Centre Pompidou, jusqu’au 9 juin

03 87 15 39 39 – www.centrepompidou-metz.fr

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